Les phénols et aldéhydes aromatiques sont deux groupes importants de principes actifs en aromathérapie.
Les huiles essentielles peuvent être abordées de diverses manières. L’aromathérapie scientifique pose une base solide en précisant les propriétés validées par des recherches rigoureuses et les risques qui nécessitent des précautions d’emploi. Elle est le socle d’une approche globale de l’aromathérapie.
Les phénols et aldéhydes aromatiques ont un commun un cycle aromatique benzénique, substituée par une fonction alcool (phénols) ou aldéhyde.
Ils ont deux propriétés communes : une activité anti-infectieuse à spectre large et une dermocausticité, et des propriétés plus spécifiques liées aux divers principes actifs dans les deux familles
Ils sont présents en quantité notable dans peu d’HE qui selon les dérivés présents vont former 4 chémotypes aromatiques aux propriétés et à la toxicité bien définie.
Les différentes formules de ces composés sont précisées dans un tableau récapitulatif des phénols et aldéhydes aromatiques.
Les principales structures sont synthétisés sur le schéma : structures des phénols et aldéhydes aromatiques.
—
I – LES PHÉNOLS
On retrouve dans les huiles essentielles deux types de composés phénoliques principaux, qui constituent deux groupes bien distincts :
– Les phénols terpéniques dérivent d’un monoterpène, le paracymène. Selon la position du groupement alcool [– OH], on distingue le thymol et le carvacrol
– Les proponylphénols appartiennent à la grande famille des phénylpropanoïdes[1]: chavicol et eugénol. Le second est retrouvé comme composant dominant de certaines huiles essentielles.
De manière générale, ce sont avant tout des anti-infectieux et des stimulants, avec des nuances de propriétés selon la sous-famille (cf. paragraphes suivants).
Ils nécessitent des précautions d’emploi liées à l’agressivité sur la peau et les muqueuses, et à la toxicité hépatique.
1) Phénols terpéniques : thymol et carvacrol
On retrouve le thymol et le carvacrol, en proportions variables, dans diverses espèces de lamiacées, et une apiacée : l’ajowan.
Propriétés
Thymol et carvacrol sont des anti-infectieux à large spectre avec une action particulièrement marquée sur les bactéries et les parasites, à un niveau moindre mais également efficace sur les champignons et les virus. L’action sur les virus est la moins bien documentée. Les deux molécules ont une action complémentaire entre elles qui crée une synergie.
Ils ont une bonne diffusion dans la sphère pulmonaire.
Les autres propriétés sont moins marquées : immunostimulants, anti-inflammatoires et antioxydants.
Ils stimulent globalement l’organisme, en augmentant notamment la pression artérielle et la température corporelle.
La différence de structure entre thymol et carvacrol est minime, et les propriétés semblent très proches. Il n’y a pas donc pas de différence a priori entre des HE à dominance thymol ou carvacrol, même si l’usage a parfois privilégié les dominances carvacrol (origan, sarriette) pour une action générale (infections bronchopulmonaires, cystites) par voie orale.
2) Eugénol (proponylphénol)
L’eugénol est présent dans le giroflier, le bois d’inde (ou bay de saint Thomas), et les cannelles.
Dans les huiles essentielles de cannelle, il est majoritaire seulement dans les feuilles de cannelle de Ceylan.
Propriétés
L’eugénol est moins dermocaustique que le thymol et le carvacrol, mais nécessite les mêmes précautions.
Son action anti-infectieuse est également très large (bactéries, champignons, parasites), synergique avec les phénols terpéniques et les antibiotiques. L’effet antiviral n’est pas documenté
Il a d’autres propriétés, plus ou moins bien établies : anesthésique local et antalgique, cautérisant pulpaire, utérotonique, myorelaxant, anti-inflammatoire en antioxydant, modulateur de l’immunité.
—
II – LES ALDÉHYDES AROMATIQUES
On retrouve dans les huiles essentielles trois structures d’aldéhydes aromatiques, qui ont des propriétés différentes.
– Le benzaldéhyde, la structure aldéhyde aromatique la plus simple, est rare dans les huiles essentielles. On en trouve de très faibles quantités dans certaines distillations de Niaouli et dans la cannelle de Ceylan, trop faibles pour exploiter ses propriétés plutôt sédatives.
– Le cinnamaldéhyde ou aldéhyde cinnamique ne diffère du benzaldéhyde que par une chaîne insaturée de trois carbones (au lieu de 1) qui porte la fonction aldéhyde. Les propriétés anti-infectieuses et dermocaustiques sont marquées
– Le cuminal ou cuminaldéhyde a une structure dérivée du paracymène. On ne le trouve que dans le cumin. Ses propriétés sont décrites comme anti-infectieux majeur et calmant stupéfiant du système nerveux central, avec un effet myorelaxant. Elles sont peu documentées. L’HE de cumin est utilisée comme stimulant digestif avec un effet lié à la totalité de ses composants.
De manière générale, les aldéhydes aromatiques comme les phénols sont avant tout des anti-infectieux et des stimulants, avec des nuances de propriétés selon les composés.
Ils nécessitent des précautions d’emploi Ils nécessitent des précautions d’emploi liées à l’agressivité sur la peau et les muqueuses, et à la toxicité hépatique.
Cinnamaldéhyde
C’est le composant majeur des cannelles, dans lesquelles il est associé à de faibles quantités d’eugénol, sauf les feuilles de cannelle de Ceylan où l’eugénol est dominant.
Propriétés
Le cinnamaldéhyde est présenté comme un anti-infectieux remarquable actif sur les virus, les bactéries, les champignons et les parasites. Elle est bien documentée pour les bactéries et les champignons, avec un haut niveau d’activité, comme larvicide, mais moins pour les virus et les parasites, l’indication comme vermifuge semblant avant tout empirique.
Il a d’autres propriétés, plus ou moins bien établies : stimulant immunitaire, tonique périphérique (utérotonique, stimulant cardiaque et respiratoire, hyperthermisant) et plutôt sédatif du système nerveux central, spasmolytique avec un effet vasorelaxant, antiagrégant plaquettaire, hypoglycémiant.
—
III – AROMATHÉRAPIE PRATIQUE : TROIS CHÉMOTYPES
Le tableau suivant récapitule les trois principaux chémotypes concernant les phénols et aldéhydes aromatiques, en ne retenant que les propriétés et indications courantes en rapport avec les principes actifs dominants, utilisables pour l’HE seule ou le plus souvent dans un mélange.
Les propriétés spécifiques de chaque HE qui ne concernent pas l’ensemble du chémotype et conduisent généralement à un usage unitaire ne sont pas précisées.
—
1) CT- Phénol terpénique (thymol/carvacrol)
Les huiles essentielles à dominance phénols terpéniques à l’exception des semences d’ajowan (qui est une apiacée) sont obtenues à partir des sommités fleuries des lamiacées.
Selon l’origine et les conditions de culture, elles peuvent ainsi avoir des chémotypes différents : phénol terpénique ou alcool terpénique, ce qui change de manière importante les indications et les précautions d’usage.
Celles qui ont une dominante phénol ont une quantité totale qui peut varier de 20 à 80 %, l’origan ayant généralement les proportions les plus élevées et une répartition variable du thymol et du carvacrol, variation dont on ne connaît pas les éventuelles subtiles conséquences.
Les HE riches en phénols terpéniques ont généralement une teneur notable en terpinènes et paracymène (monoterpènes) qui sont leurs précurseurs métaboliques. Le paracymène apporte un effet antalgique local en application cutanée
Huiles essentielles | % phénols | thymol | carvacrol |
Thym vulgaire CT thymol – Thymus vulgaris | 40-55 % | +++ | + |
Thym Espagne CT thymol – Thymus zygis | 40-60 % | +++ | + |
Thym CT carvacrol –Thymus vulgaris | 40-55 % | + | +++ |
Thym serpolet – Thymus serpyllum | 20-30 % | + | + |
Sarriette des montagnes – Satureja montana | 30-60 % | +/– | +++ |
Origan compact – Origanum compactum | 50-75% | + | +++ |
Origan d’Espagne – Thymbra capitata | 60-80 % | +/- | ++++ |
Ajowan (semences) – Tachyspermum ammi | 40-50 % | +++ | + |
Propriétés recherchées en aromathérapie courante
Les propriétés principales des phénols terpéniques qui motivent leur usage sont l’activité anti-infectieuse associée à une stimulation immunitaire, et leur action tonique qui dynamise l’organisme.
– Une action anti-infectieuse a spectre large (virus, bactéries, champignons, parasite) à visée locale (digestive ou cutanée) ou en empruntant la voie générale (infections broncho-pulmonaires, cystites, fièvres…)
La voie cutanée avec une dilution de dépassant pas 5-10 % est en association avec d’autres chémotypes mieux tolérés par la peau pour agir sur une infection de la peau ou d’une zone interne proche du point d’application.
La voie orale est idéale pour les infections digestive et générale. Les capsules prêtes à l’emploi ont l’avantage d’un usage très facile et d’un dosage précis garanti. L’origan est le plus utilisé dans les spécialités disponibles.
– Une action préventive des infections, lors de voyages en zone intertropicale, qui s’appuie sur deux modes d’action : la neutralisation des bactéries et parasites pathogène et la stimulation immunitaire.
– Une action tonique générale, stimulante et réchauffante, par la voie orale ou transcutanée avec une préparation diluée à 5 %.
Précautions d’emploi
– Application sur la peau selon en préparation diluée, avec un maximum de sécurité à 5-10 %. La plupart des ouvrages demandent de diluer au maximum à 5 % en élevant le niveau de prudence. Une dilution à 10 %, sauf fragilité particulière de la peau ou application en quantité excessive, est généralement bien tolérée.
– Du fait de leur toxicité hépatique à dose élevée, leur utilisation par voie générale doit respecter les limites de doses et de durée [2].
– Être prudent avec la voie orale quand la muqueuse gastrique est fragilisée (ulcère, gastrite)
– L’utilisation chez la femme enceinte et les enfants est à éviter.
– La diffusion atmosphérique doit être prudente, du fait du risque de l’irritation possible des voies respiratoires.
—
2) CT -Eugénol
Les huiles essentielles contenant des quantités notables d’eugénol sont des myrtacées (Giroflier, Bay de Saint Thomas) ou lauracées (cannelles).
Huiles essentielles | % eugénol |
Giroflier (bouton floral) – Eugenia caryophyllus | 70-80 % |
Cannelle de Ceylan (feuilles) – Cinnamomum zeylanicum | 70-85 % |
Bay de Saint Thomas (feuilles) – Pimenta racemosa | 50-80 % |
Propriétés recherchées en aromathérapie courante
Les propriétés principales de l’eugénol qui motivent son usage sont l’activité anti-infectieuse et l’effet anesthésique local.
– Une action anti-infectieuse à spectre large est de même type que le thymol et le carvacrol, avec une puissance activité moindre (environ 50 % sur des évaluations d’activité antibactérienne) et une meilleure tolérance cutanée. Il a d’autre part été montré une synergie positive avec le thymol, le carvacrol et le cinnamaldéhyde.
Globalement, l’eugénol sera préféré pour les applications locales.
En application cutanée, les HE à eugénol semblent tolérées jusqu’à 30 %, ce qui facilite l’usage pour des infections locales ou le traitement des cheveux (poux).
Il est intéressant de l’associer aux chémotypes phénol terpénique et cinnamaldéhyde pour potentialiser leur action anti-infectieuse, ce qui permet aussi les réduire et améliorer le rapport activité anti-infectieuse/dermocausticité.
– L’action anesthésique locale a été exploitée en dentisterie, bénéficiant en même temps de l’action anti-infectieuse. Elle peut aussi être recherchée en entrant dans une association à usage.
– L’effet utérotonique pour favoriser l’accouchement est à utiliser avec la plus grande prudence par des professionnels maîtrisant à la fois l’obstétrique et l’aromathérapie.
Précautions d’emploi
Ce sont les mêmes que pour les phénols terpéniques, avec quelques nuances liées à la meilleure tolérance cutanée, et l’effet utérotonique qui contre-indique encore plus fortement la grossesse.
—
3) CT-Cinnamaldéhyde
La présence de cinnamaldéhyde est l’exclusivité des cannelles.
Les HE d’écorce de cannelle de Ceylan et de rameau feuillé de cannelle de Chine sont assez proches. La cannelle de Chine est nettement plus économique (4 fois moins cher) et répond aussi bien en apport de cinnamaldéhyde. L’écorce de cannelle de Ceylan est globalement un produit de meilleur de qualité, avec moins de coumarines, un arôme plus agréable et une activité qui semble meilleure sur d’autres indications comme l’effet hypoglycémiant.
Huiles essentielles | % cinnamaldéhyde |
Cannelle de Ceylan (écorce) – Cinnamomum zeylanicum | 75-80 % |
Cannelle de Chine (rameau feuillé) – Cinnamomum cassia | 75-90 % |
Propriétés recherchées en aromathérapie courante
Le cinnamaldéhyde est recherché, comme les phénols, pour son activité anti-infectieuse et son pouvoir tonique.
– L’action anti-infectieuse est probablement la plus puissante sur les bactéries et les champignons, qui seront donc les cibles privilégiées, avec une potentialisation par l’eugénol également présent dans les HE de cannelle et qui peut être accrue en associant une HE dans laquelle il domine.
La dermocausticité limite l’utilisation par voie cutanée pour laquelle la concentration ne doit pas dépasser 10 %, 5 % pour les peaux sensibles.
La voie orale est souvent privilégiée, avec l’équivalent d’une goutte d’HE par prise, jusqu’à 3 fois par jour. Les indications sont alors les infections digestives et les infections générales, particulièrement si elles sont supposées bactériennes ou fungiques.
Les effets sur le microbiote intestinal, liés au très large spectre antibactérien et antifongique, sont bénéfiques quand ils éliminent des pathogènes mais pourraient avoir un effet fragilisant su microbiote physiologique.
– L’effet tonique général qui stimule l’immunité, la respiration, la circulation, la libido, avec un réchauffement du corps peut être recherché par voie orale ou par la voie orale ou transcutanée avec une préparation diluée à 5 %
Précautions d’emploi
Ce sont globalement les mêmes que pour les phénols, avec une toxicité hépatique plus faible, surtout pour l’écorce de cannelle de Ceylan, pauvre en coumarines.
– Application sur la peau selon en préparation diluée, avec un maximum de sécurité à 5 -10 %.
– L’utilisation chez la femme enceinte et les enfants est à éviter.
– La diffusion atmosphérique doit être prudente et en très faible quantité, du fait du risque d’irritation des voies respiratoires.
—
IV – QUELS CHOIX DANS UNE AROMATHÈQUE PERSONNELLE ?
Le principe d’une aromathèque personnelle est de disposer avec un nombre restreint d’huiles essentielles (15 à 20 HE) de solutions à la majorité des maux du quotidiens, soir à partir d’une HE, soit d’un mélange utilisant la synergie de plusieurs vers l’objectif visé.
Parmi les phénols et aldéhydes aromatiques, le choix pourrait suivre la logique suivante :
– S’il n’y en avait qu’une, ce serait le giroflier (CT eugénol) qui enrichit les mélanges anti-infectieux, est adapté aux soins dentaires et entre avantageusement, en faible proportion du fait de sa forte activité et de sa tolérance cutanée limitée, dans diverses préparations en apportant son action anti-microbienne, son effet anesthésiant, et la capacité qu’on lui prête à dynamiser un mélange.
– L’origan est avant tout intéressant par vois orale pour traiter les infections digestives, respiratoires, urinaires. L’idéal est de disposer de capsules prêtes à l’emploi et dosées de manière précise.
– La cannelle de Ceylan, est un bonus qui renforce les préparations anti-infectieuse et apporte une action tonique et réchauffante, et peut aussi gérer les pulsions sucrées
—
NOTES
[1] Dérivés de l’acide aminé phénylalanine et qui forment des composés aussi divers que les coumarines, les monoligol, l’acide cinnamique et ses dérivés, la chalcone dont dérivent les flavonoïdes, les stilbénoïdes (dont le resvératrol) et les phénylpropènes (dont l’eugénol, le safrole, le chavicol et le méthylchavicole).
[2] Les avis divergent à ce sujet. En cas de fonction hépatique non altérée chez un adulte, on peut atteindre 300 mg d’HE d’origan par jour par voie orale sur une durée courte (1 semaine) en traitement curatif. En traitement préventif, 150 mg/jour pendant 3 semaines. Le citron est souvent associé comme protecteur hépatique, sans que cet effet protecteur soit documenté.
Bonjour, je vous remercie pour ces partages. C’est très intéressant et on les voit bien quand on fait des analyses des ingrédients. La nature nous donne toujours des chémotypes.