Le soja alimente les passions, comme le lait de vache, mais souvent dans un sens inverse. Certains en font une base alimentaire et le consomment en excès. D’autres l’ont résolument exclus en l’accusant des pires maux. Derrière ces choix, il y a des faits, souvent généralisés par les partisans qu’ils arrangent, et une littérature médicale où il est bien difficile d’y voir clair. C’est pourtant cette approche scientifique qui permet de démystifier les passions et d’effectuer un choix de raison.
Alimentation humaine et animale
Les Chinois et les Japonais consomment des produits à base de soja fermenté depuis longtemps.
Au XIXesiècle, sa culture s’est installée dans les exploitations américaines. Son intérêt réel pour la nourriture animale a conduit à la production intensive, puis à la mise au point d’OGM. Seulement une faible partie (environ 10%) de cette production a trouvé des débouchés dans l’alimentation humaine, essentiellement sous forme d’huile, puis de farines riches en protéines.
En Europe, la macrobiotique a introduit le soja dans l’alimentation végétarienne dans la seconde moitié du XXesiècle. C’est alors un autre marché qui s’est ouvert, celui du soja biologique, cultivé notamment dans le Sud-Ouest de la France. Ce soja-là est exploité par quelques sociétés qui en font divers produits destinés aux rayons diététiques.
Agroalimentaire et alimentation biologique
Les produits industriels de l’agroalimentaire utilisent les dérivés du soja comme ingrédients (huile, lécithine, protéines), sans aucune garantie de qualité, et avec le risque d’y trouver des OGM. Il y a un vrai fossé avec les produits issus de la filière biologique, exploités par des sociétés à taille plus humaine élaborant des produits de bien meilleure qualité. Il convient de ne pas mélanger ces deux mondes !
Avec ou sans soja, les produits agroalimentaires façonnés pour inonder le monde ne peuvent être considérés comme des aliments santé, pour de multiples raisons. Pour évaluer les bienfaits et les risques du soja de manière plus claire, nous ne considérerons ici que les produits de la filière biologique.
Un « produit miracle » qui n’a rien de miraculeux
Du fait de ses qualités nutritives et avantages pour la prévention cardio-vasculaire, le soja a été mis en avant comme « produit miracle ». Une baudruche qui s’est vite dégonflée ! Il y a, certes, des publications qui montrent les effets bénéfiques sur la santé du cœur et des artères, sur sa capacité à limiter l’incidence de certains cancers s’il est consommé en début de vie. Il y a aussi, de manière peu convaincante pour un scientifique, des effets probables sur l’ostéoporose et les facultés cognitives. En revanche, la capacité à améliorer les symptômes de la ménopause est aujourd’hui une croyance qui n’a jamais pu être démontrée.
Bilan : il reste au mieux un excellent aliment santé pour la qualité de ses nutriments. Rien de transcendant !
Les isoflavones, au centre du débat
S’il n’avait que ses protéines, ses lipides, ses fibres et ses minéraux, le soja serait unanimement reconnu comme aliment santé et on n’en ferait pas toute une histoire. Mais il y a les isoflavones qui, en plus d’être antioxydantes, ont des propriétés hormonales, de type œstrogénique. Elles agissent au-delà du facteur alimentaire. Plus qu’un aliment, le soja est un véritable « alicament », qui nourrit et agit sur la biologie en même temps. Cette action biologique, qui peut être soignante ou intoxicante (comme tout médicament) est la clef de la polémique. On attribue en effet à ces isoflavones des effets bénéfiques et nocifs, avec un débat de partisans, qui s’est égaré dans la passion, et radicalise désormais les arguments au-delà de toute raison.
Au final, il y a une action complexe qu’il est difficile de résumer en globalement bonne ou néfaste pour l’ensemble. Il y a un effet qui semble neutre aux doses décentes (moins de 30 mg d’isoflavones par jour), et des propriétés bénéfiques ou néfastes qui se manifestent le plus souvent lorsqu’une consommation importante rencontre un terrain particulier.
En résumé, de manière à peu près consensuelle pour les spécialistes non partisans, on peut dire que la consommation avant 6 mois mérite précaution, alors que chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte, il y aurait un vrai bénéfice. Après la ménopause, si le soja n’a pas été consommé avant, le changement de climat hormonal induit serait plutôt néfaste. Vis-à-vis de la thyroïde et du cancer du sein en rémission, beaucoup de bruit pour rien puisqu’en dehors d’une consommation abusive, il n’y a aucun effet néfaste qui ne soit fondé sur autre chose que la crainte.
Quand l’ésotérisme new age s’en mêle !
Dans le milieu scientifique, le débat autour du soja conduit à des oppositions tranchées pour/contre sur fond de lien avec les produits laitiers ou du fait du problème chronique de la science médicale avec le concept d’alicament et de produit de soin naturel. La médecine écarte souvent les concurrents du médicament en leur trouvant des effets néfastes non maîtrisés, présentés comme bien pires que ceux soi-disant maîtrisés des produits pharmaceutiques.
Dans le milieu des soins alternatifs, c’est un autre discours qui a éveillé le doute sur le soja. Dans un texte publié en 2004, Claude Tracks, reprenant un article de la revue Nexus, écrivait : « Le soja et les aliments comme le tofu ont été introduits dans l’alimentation par le gouvernement mondial pour tout simplement détruire les travailleurs de la fraternité de la lumière », en développant un réquisitoire impitoyable sur la graine jaune. Cela peut sembler anodin, mais ces propos repris dans un petit monde qui aime bien ce genre de polémiques ont conduit à des positions extrêmes, véhiculées par des personnalités influentes dans ce milieu et parfois devenues contagieuses…
Pour juger de la pertinence de cette approche sur fond d’ésotérisme, le mieux est de consulter directement le texte original (lien ci-dessous).
L’excès, le seul vrai problème
Les cas mis en avant pour accuser le soja sont toujours des situations isolées dans lesquels il y a eu consommation excessive (plusieurs fois par jour), dans un contexte personnel particulier. Ainsi, l’excès de soja lors de carence en iode accélère la survenue de l’hypothyroïdie, mais il en est de même avec l’excès de brocoli ou de manioc ! Même chose pour les perturbations hormonales décrites, elles sont toujours liées à un abus et ne se manifestent pas chez tous !
Cela est d’une simplicité évidente : l’alimentation idéale est variée et ne comporte pas d’excès, tandis que les excès, quels qu’ils soient, ouvrent la porte à des risques qu’il est difficile de maîtriser. On connaît ainsi l’intoxication à la carotte, les effets néfastes d’un excès d’œufs… Et chez un gros consommateur de manioc carencé en iode, on observerait très probablement un goitre hypothyroïdien ! Et pourtant, ni la carotte, ni l’œuf, ni le manioc ne font l’objet de polémiques !
Au delà des passions, la raison rejoint le bon sens
Après une analyse aussi complète que possible des faits rapportés (cf. dossier en lien ci-dessous), le constat est clair : le soja n’est pas un aliment miracle, et en dehors d’une consommation excessive ou de complémentations enrichies en isoflavones, il n’y a aucun effet délétère significatif à craindre.
Le soja n’est pas un aliment parfait. Il est une source intéressante de protéines et de lipides mais il contient aussi des isoflavones, substances dont l’activité biologique n’est pas alimentaire et donc imprévisible. Pour ses apports bénéfiques, il serait dommage de s’en priver. Du fait des incertitudes liées à l’excès, il serait dommage d’en abuser.
En fait, pour ceux qui n’aiment pas les produits à base de soja, ils ne sont évidemment pas indispensables à une alimentation santé. Pour ceux qui les apprécient, la recommandation de l’AFSSA qui s’appuient sur les consommations traditionnelles en Asie semble une bonne base pour éviter l’excès. Elle conduit, de manière simplifiée, à utiliser les sauces d’accompagnement (tamari ou shoyu) et ne pas dépasser pour les autres préparations un produit par jour.
La qualité issue de l’agriculture biologique (ou au minimum non OGM) est essentielle. Et l’on peut garder à l’esprit qu’il y a une échelle décroissante de la valeur santé des préparations : produits fermentés (natto, tempeh, miso) > tofu et dérivés > yaourts et tonyu (« lait » de soja).
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merci pour ce bel article qui met les choses au clair ! trop d’intox