Plusieurs articles successifs sont proposés afin de traiter la question de l’accompagnement thérapeutique en psychosomatique. Celui-ci est le premier.
La relation entre le corps et le psychisme est une idée que peu de personnes contestent et pourtant, nous fonctionnons encore avec un conditionnement tenace qui tend à séparer l’un de l’autre. Nous savons que le psychisme participe à notre état de santé car nous sommes un tout. L’approche psychosomatique, terme largement répandu, illustre cette relation.
Le rôle des émotions et plus généralement du stress est fondamental et son effet sur les organes a largement été démontré. La « psycho-neuro-endocrino-immunologie » (ouf !) s’intéresse à ces interactions corps-psychisme, et à leurs répercussions sur les sécrétions hormonales, mais également sur notre défense naturelle : l’immunité.
Du subtil à la matière
L’émotion est présente lors d’un conflit, qu’il soit psychique, relationnel, affectif, existentiel etc….et crée parfois des désordres énergétiques, puis des troubles fonctionnels. L’altération de la structure d’un organe peut ensuite apparaître.
Cette somatisation concerne toutes les grandes fonctions. Cependant, la perception consciente d’une forte émotion se ressent d’abord par des modifications du rythme cardiaque, du rythme respiratoire et du tonus musculaire. Puis des troubles neurovégétatifs/sensoriels (fourmillements, sueurs, bourdonnements…), visuels (vue troublée, « mouches »…), digestifs et urinaires peuvent être perçus. S’installent ensuite des troubles du sommeil, du comportement alimentaire et de la sexualité.
L’émotion rend-elle malade ?
Il est facile d’incriminer tel ou tel facteur pour tenter d’expliquer les choses. Certains diront que l’émotion rend malade, d’autres diront que non.
L’émotion est un des facteurs qui peut rendre malade Notre besoin de donner un sens, et notre habitude de chercher un lien direct entre une cause et un effet nous amènent à des simplifications explicatives. Pourquoi pas ? Si cela permet à une personne de construire une représentation qui l’aide à trouver un sens à ce qui lui arrive et une porte vers des solutions, cela est favorable. Malheureusement, la généralisation à partir d’un cas particulier ou d’un modèle explicatif est fréquente et entraine des distorsions ou des visions simplifiées des phénomènes complexes.
C’est ainsi que l’on retrouve dans le commerce des dictionnaires qui nous expliquent les raisons de nos maladies, sans même nous connaître. Etrange non ? Et pourtant, comment expliquer un tel succès pour cette littérature ? La plupart du temps, les troubles y sont expliqués avec un angle de vision symbolique. Voilà une forme d’auto-validation sans fondement scientifique : il ne nous reste qu’à être d’accord et « rentrer dans le lit de Procuste ». En effet, comment voulez-vous contredire le symbolique ? « Tu as mal au genou » ? : Problème de relation. « Tu as mal au ventre » ? : Que n’as-tu pas digéré ? « Tu as mal à la gorge » ? : Que n’as-tu pas dit, ou dit et qui te reste en travers….Bref ! Mais finalement, connaissez-vous une seule personne sur terre qui n’a pas à un moment ou un autre quelque chose qui lui reste en travers, ou un problème de relation, ou un truc mal digéré ! Le modèle est donc validé : envoyez, c’est pesé !
C’est un peu comme la psychanalyse qui, mal comprise, s’auto valide en interprétant notre opposition potentielle à son approche comme l’illustration par l’exemple de sa validité, et la preuve par A+B de la véracité de son modèle : notre opposition témoigne justement de nos refoulements, nos pulsions agressives ou autre mécanisme de défense. Pratique ! (Si vous n’avez rien compris, ne vous inquiétez pas c’est de la psychanalyse).
Les différents facteurs de vulnérabilité
Qu’est-ce qui nous rend malade ? Qu’est-ce qui favorise la santé ? Quels sont les facteurs impliqués ? La liste est longue et non exhaustive : notre environnement, notre famille, notre éducation, la génétique et notre terrain biologique, nos divers apprentissages, notre développement, la construction de la personnalité (tempérament, caractéristiques, traits stables, et divers états transitoires), le mode de vie, les évènements de vie majeurs, les tracas quotidiens, les conflits relationnels (intra psychiques et interpersonnels), nos mécanismes de défense inconscients, nos stratégies conscientes de « faire face » ( nommées coping)…. sont autant de facteurs corrélés à nos troubles et à nos émotions. Il est parfois difficile de les identifier, les comprendre, les exprimer, les utiliser.
Toute pathologie est multifactorielle, et à part quelques cas particuliers, bien malin qui peut dire le poids exact de chaque facteur dans l’émergence d’un trouble. Le rôle des émotions est toujours présent quoi qu’il en soit.
Alors le symptôme a-t-il un sens ?
La question du sens revient à la personne elle-même et à nul autre. S’immiscer de manière inappropriée dans cette question est un viol de l’intégrité de la personne. C’est une grave faute professionnelle, malheureusement fréquemment commise selon mon observation et si j’en crois les témoignages des patients/clients que je reçois.
En tant que professionnels, nous pouvons accompagner la personne dans cette « enquête » pour l’émergence du sens qu’elle trouve ou qu’elle donne. Comment ? Par notre qualité relationnelle, notre questionnement ouvert et respectueux, dans un espace que Winnicott nommerait de « transitionnel ». Accompagner c’est être avec, à côté, ni devant à tirer, ni derrière à pousser, pour permettre et éclairer ; et ensuite co-créer et favoriser les conditions du changement.
Le thérapeute pourrait-il nous rendre malade ?
Chaque expérience est donc singulière, particulière, originale et subjective. Vouloir étiqueter/interpréter tout symptôme pour généraliser dans le même moule est d’une stupidité que je préfère ne pas nommer pour rester courtoise. S’il ne s’agissait que de cela ! Malheureusement, la relation de pouvoir et/ou de dépendance n’est pas loin lorsque l’un (le « thérapeute ») se positionne comme sachant pour l’autre (le patient/client). Attention donc aux prophéties auto-réalisatrices de ces pseudos thérapeutes prenant le pouvoir sur la base de leur pseudo savoir qui saurait mieux que l’autre ce qui le concerne. Certains se permettent de donner des explications toutes faites et des réponses à des questions qui ne leur sont même pas posées. Le client/patient repart alors de la consultation avec un problème qu’il n’avait pas avant d’y entrer. Que va-t-il faire de ce « virus » ? L’effet nocebo est aussi efficace que l’effet placebo !
Cela me fait penser à certaines théories qui évoquent la substitution (ou le déplacement) du symptôme (phénomène qui n’a pas pu être prouvé d’ailleurs). Ce que j’observe et qui me paraît plus préoccupant c’est la substitution des personnes ! Car pour aider vraiment et être avec, il convient d’être démêlé de l’autre et non emmêlé avec.
Conflits et émotions : une piste à suivre
Les conflits et les émotions excessifs et difficiles à réguler sont des facteurs de risque à somatiser.
Lorsqu’une émotion est reconnue et exprimée, elle n’alourdit pas le corps car elle se résout naturellement. Cependant, les émotions sont réprimées pour diverses raisons socio-culturelles et autobiographiques.
Quant au conflit, il a mauvaise presse, l’injonction à se montrer heureux est forte dans notre paysage social (souriez, vous êtes filmé ! Et de nos jours ça devient : souriez, vous êtes « selfié » ! ). La question est d’envisager le conflit interne ou externe comme un moteur, comme quelque chose à résoudre, et non comme le problème à éviter absolument. Le conflit nous éprouve et nous confronte à la dualité, cependant si nous l’envisageons comme une nécessité favorable et une invitation au changement, alors nous entrons dans l’espace de la transaction et la négociation, plutôt que de chercher à l’éviter ou à le fuir.
La dot de la Vie : acceptation, deuil, renoncement et Joie
Le changement entraîne un deuil de l’état antérieur. Or, qu’y a t-il de plus constant que le changement ? A chaque étape de notre développement, de gré ou de force, les renoncements sont présents, à commencer par le deuil de la fusion mère-enfant à notre naissance, le fait de lâcher la toute-puissance de l’état du nourrisson, et plus tard l’insouciance de l’enfance, la confrontation à la perte de l’animal de compagnie que nous aimions tant etc…l’acceptation est parfois longue mais elle permet de réinvestir l’énergie dans de nouveaux projets. Nous souhaiterions souvent que rien ne change, comme un gage d’une pseudo sécurité. C’est parfois ce que le symptôme vient secouer : la Vie se fraye un chemin, elle nous invite à sa manifestation et à la transformation, aussi surement que cette fleur que l’on trouve parfois comme un sourire entre deux dalles de béton…
J’ai souvent des patients/clients qui viennent demander de l’aide avec cette contrainte : arranger le symptôme (le faire disparaître de préférence) mais surtout que rien ne change. Changer sans rien changer quoi ! Et tant qu’à faire avec l’hypnose, histoire qu’ils n’aient rien à faire (certaines personnes voient l’hypnose comme un coup de baguette magique). Je me suis entendue dire à une personne (présentant un burn out et voulant pourtant reprendre le travail) que si elle attendait de moi que je l’aide encore mieux à repartir dans le mur, elle pouvait vraiment ne pas compter sur moi. Il est parfois utile que le thérapeute exprime clairement ses limites ☺ . Elle est revenue….
Etre entendu et accompagné dans ses émotions aide le processus cicatriciel psycho-affectif à se faire naturellement. Malheureusement, lorsque l’entourage n’en permet l’expression et ne prodigue pas l’amour et l’accueil, le processus est entravé et ces gestalts [1] inachevées qui restent en souffrance et se réactualisent comme des disques rayés, font le lit des somatisations. Un travail psychothérapeutique est alors utile.
Les mots et les maux : les voix qui expriment
Lorsque nous avons le sentiment que la voie n’est pas trouvée pour exprimer notre vécu et que notre voix n’est pas entendue, le corps exprime alors avec ses mots. Les voix du corps sont multiples :
La voie principale est le système neurovégétatif car toutes les fibres nerveuses innervent nos organes. Qui ne connait pas de temps à autres ces états d’hyperexcitabilité neurovégétative/neuromusculaire ? Cette voie est très sensible aux émotions. Les réactions sont automatiques (ex : muscles lisses). Les approches psycho-énergétiques sont très utiles dans ce domaine pour libérer.
La voie endocrinienne secrète des neurohormones aux effets divers et très complexes.
La voie du système nerveux central enfin est plus consciente, elle permet de modifier le tonus musculaire. Ces muscles striés sont eux soumis à la volonté, nous pouvons donc agir dessus consciemment, en les relâchant par exemple (relaxation, respiration, yoga…). Nous pouvons également éclairer notre conscience et résoudre nos difficultés, par diverses approches telles que la restructuration cognitive (TCC), la méditation de pleine conscience, la PNL, l’hypnose…
Des pistes pour guérir ?
Dans l’idée de la psychosomatique certains affirment qu’il suffit de résoudre ses conflits émotionnels pour obtenir la guérison physique et qu’aucun autre traitement n’est nécessaire. Dois-je préciser ce que je pense de ces généralisations abusives, voire dangereuses ?
Pour aborder ces questions, il nous parait primordial de garder l’esprit critique-constructif pour observer et investiguer par-delà nos croyances, avec deux compagnons fidèles : le scepticisme (face aux dogmatismes réducteurs) et l’humilité (face au mystère du vivant).
Evitons de tomber dans le piège des nouvelles sirènes, toutes plus extraordinaires et prometteuses les unes que les autres qui chantent chaque jour, relayées par les réseaux sociaux ou autre marchand d’illusions. C’est à se demander, avec toutes ces solutions qui existent partout, pourquoi il y a encore tant de personnes en difficultés ou malades ? Evitons par là-même les nouveaux dogmes : qu’il s’agisse des croyances en un matérialisme scientifique (tout est biologique ! ), ou celles du psychologisme ambiant (tout est psychologique ! ), ou encore des spiritualistes (tout est ailleurs que sur terre, on ne sait pas où mais eux le savent, ouf !)….
L’approche intégrative
La thérapie « Psycho-Santé Intégratives » est orientée vers les ressources, qu’elles soient à mobiliser et/ou à acquérir. Elle se veut pragmatique. C’est celle que nous choisissons et que nous proposons. Pourquoi ? Parce que la particularité de l’approche intégrative est bien d’adapter la ou les approches aux personnes et non l’inverse. Pour reprendre la métaphore de Procuste, on ne taille pas dans l’usager pour le faire rentrer dans notre unique lit génial, car on dispose de lits de différentes tailles. Il faut avoir l’envie, la curiosité et la culture pour ça, on est d’accord. Il faut avoir le matos pour ça, on est d’accord. Cela demande des années et des années pour les avoir, on est d’accord. Et il est utile de garder l’esprit à 360° car, à l’instar du parachute, il fonctionne mieux quand il est ouvert.
Et nous sommes totalement confiants dans ce que nous proposons : notre devise est « pas de doutes, pas de certitudes ». Comment est-ce possible ? C’est simple : pas de doutes quant aux moyens mis en œuvre, et pas de certitudes quant aux résultats….ce qui occasionne bien souvent de belles surprises ! Car la tension que procurent les attentes de résultats empêche parfois le meilleur de se produire.
Nous connaissons nos domaines de compétences, et nous avons le discernement de réorienter les personnes vers d’autres professionnels lorsque cela est adapté.
L’approche intégrative ajuste les « outils » les plus favorables aux personnes et à leurs difficultés/demandes : par exemple la connaissance psychodynamique peut être utile tout autant que l’utilisation de l’hypnose, de la PNL, de la méditation de pleine conscience, des TCC, de techniques psycho-énergétiques, et/ou une perspective de santé globale par amélioration du mode de vie (sport, alimentation santé, prévention…), parfois l’utilisation de produits de santé naturels et d’élixirs floraux etc…Selon la personne et le contexte, le choix se portera sur une technique, ou plusieurs associées en synergie.
Savoir Etre et Savoir Faire
Quel que soit le choix de la stratégie thérapeutique, la qualité relationnelle en est le fondement. Car c’est essentiellement la relation qui est thérapeutique. L’instauration et la restauration de l’alliance thérapeutique (ou relation de confiance) s’étaye sur les qualités humaines et les compétences du thérapeute qui en est le garant : notamment les présupposés qu’il véhicule, sa flexibilité, sa congruence… L’accompagnement et la contenancenécessaires au processus thérapeutique permet l’amélioration et/ou la transformation du problème psychosomatique pour lequel la personne consulte. La guérison en est la destination.
Un bel article. Riche et humble. Merci car je compte bien le relire de façon plus attentive demain tant vous parvenez a partager des choses complexes avec bcp de simplicité