Plusieurs articles successifs sont proposés afin de traiter la question de l’accompagnement thérapeutique en psychosomatique. Celui-ci est le second.
L’approche psychosomatique est très diversifiée. Quoi d’étonnant lorsque l’on pense à la complexité de l’humain et aux diverses manifestations des symptômes.
La psychosomatique prend son essor dès les années 1930 essentiellement à partir de la psychanalyse. Et n’en déplaise à ceux qui souhaitent se dégager totalement de son influence, sa base est encore là, y compris dans les approches actuelles les plus innovantes, comme en témoigne ces propos : « Qu’on le veuille ou non, la position prise par les tenants actuels de la psychothérapie EMDR ne s’éloigne pas beaucoup de celle initialement développée par Freud au début de la psychanalyse » [1].
Panorama
Il serait fastidieux de dresser une liste exhaustive d’auteurs et d’approches. Je n’en ai ni la prétention ni l’ambition.
Dans certaines cultures le lien est évident : la médecine chinoise par exemple reconnait que les organes du corps sont affectés par des sentiments et les mouvements de l’âme.
HIPPOCRATE (460 av JC, école de Cos) parlait du corps humain comme d’un tout.
Dans la haute antiquité les troubles psychiques étaient reconnus comme influençant le corps. Il n’y avait pas de dichotomie corps/esprit.
Au moyen-âge, on considère qu’il faut connaître le malade pour soigner sa maladie. Plus tard, « je panse le malade et Dieu le guérit » dit Ambroise Paré….
Malgré l’intérêt porté à cette approche, elle rencontre de nombreux détracteurs. Les résistances sont liées principalement :
– au cartésianisme : pour DESCARTES l’homme est considéré comme une machine. On est dans l’idée d’une physiologie matérialiste
– au positivisme scientiste du 19ème pour qui n’est réel que ce qui est mesurable et observable.
Petites histoires psychanalytiques
Le fondateur de la psychosomatique est GRODDECK (1923), même si c’est en 1818 qu’un psychiatre allemand, le Dr HEINROTH en invente le terme.
Pour le fondateur, toute maladie est psychosomatique, et sa symbolique est enracinée dans la profondeur de l’être. Les maux physiques dont souffrent les patients correspondent symboliquement à des tendances enfouies du « ça ». Les pathologies seraient un moyen de survivre. Pour GRODDECK, il y a un langage symbolique des troubles à décoder. Il accordait une importance particulière aux interdits qui pouvaient entrer en conflit avec les pulsions. C’est ainsi qu’il expliquera les pathologies visuelles ou auditives comme autant de difficultés à regarder ou à entendre ce qui est interdit. Il n’y allait pas avec le dos de la cuillère dans ses interprétations : il expliquait par exemple le rhume des foins (chacun sait bien à quoi on joue dans le foin !) comme une problématique des jeux interdits qui se traduit pas une rhinite (le pollen, agent irritant n’en est que le vecteur). Ses affirmations ont été très contestées. Pour lui, le « ça » est une force secrète qui dirige et nous rend malade ou bien portant.
FREUD à la suite des recherches de CHARCOT, a voulu montrer par l’hystérie (et ses grandes manifestations somatiques) l’influence du psychisme sur le corps. Un de ses élèves et dissident JUNG dit que « la maladie est l’effort que fait la nature pour guérir l’homme ».
Quant à REICH, médecin et psychanalyste autrichien (autre élève et dissident de Freud), il est considéré comme le pionnier de la thérapie psychocorporelle. Il parlait lui aussi d’une force vitale qu’il a nommé « l’orgone », qui serait responsable de la santé. Il a identifié une « cuirasse corporelle » : nous avons tendance à nous cuirasser pour ne pas souffrir ou ne pas ressentir. Or, à refuser le déplaisir, on se coupe également du plaisir. On se coupe de la Vie. Les cuirasses sont positionnées à 7 niveaux du corps : pelvien, abdominal, diaphragmatique, thoracique, cervical, oral et oculaire ; l’observation attentive du corps en thérapie permet d’identifier ces blocages corporels qui entravent l’énergie et l’émotion. Celles-ci restent séquestrées dans un ou plusieurs endroits du corps.
Il a également décrit 5 types morphologiques qui traduisent les défenses des individus face à des blessures psychologiques au cours du développement. Cinq peurs fondamentales détermineraient des attitudes avec une inscription corporelle particulière : rejet, abandon, trahison, humiliation, et enfin peur de ne pas être à la hauteur des attentes.
Il parle de déformations des corps et des âmes à partir de ces peurs.
Et… n’oublions pas de remercier au passage EMILE COUE, psychologue et pharmacien, pour ses autosuggestions célèbres, injustement dénaturées et moquées, dont le but est de restaurer la santé !
Intérêt : La psychanalyse et les théories associées mettent l’accent sur l’explication psychologique et symbolique dans les troubles somatiques. On s’en serait douté…
Ouverture vers d’autres conceptions
Certains psychanalystes sont donc restés sur le primat du psychologique en guise d’explication, regardant les troubles à travers leur symbolique. D’autres auteurs ont exploré d’autres facteurs : biologiques et environnementaux.
L’école de Chicago
Pour ALEXANDER et DUNBAR (années 1950, école de Chicago) la maladie est la conséquence des émotions et des impulsions réprimées. Ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Les conflits non résolus pourraient être à l’origine de certaines affections.
Pour qu’un trouble psychosomatique se manifeste, il faut la coexistence de 3 facteurs :
– un conflit (psychisme/relationnel)
– une prédisposition individuelle (biologie)
– un facteur déclenchant (environnement)
A partir de là, les premières théories psychologisantes des psychanalystes sont modérées par des considérations plus médicales et nuancées, prenant en considération différents facteurs dans l’apparition des troubles, le facteur psychologique étant l’un d’entre eux.
Intérêt : L’école de Chicago amène une vision plus élargie, tenant compte du conflit psychique, mais aussi de la répression émotionnelle, de la personnalité, du terrain et du contexte.
Les personnalités ABC
A la même époque, deux médecins cardiologues, FRIEDMAN et ROSENMAN mettent en lien des types d’émotions corrélés à des personnalités à risque. Ainsi naissent les personnalités de type A, B et C.
– Le type A : « l’impatient » (Système Nerveux sympathique impliqué avec sécrétion d’adrénaline) est compétitif, perfectionniste, ambitieux, extraverti, agressif, stressé…et développe plutôt des pathologies de type cardiovasculaires, hypertension, cholestérol, migraines, irritabilité, troubles du sommeil… Il peut vivre un épuisement vital (dépressif sans tristesse) par surenchère de performances.
– Le type C « le répresseur » (Système Nerveux parasympathique impliqué avec sécrétion de cortisol) est introverti, faux calme, il peut souffrir en silence. Agréable, stoïque, patient, il se montre conciliant et n’exprime pas les affects négatifs. Il est très facile à vivre ! Il y a un conformisme social, une soumission et un évitement des conflits interpersonnels. Le type C est proche de l’alexithymie décrite ci-dessous. Les réponses sont intériorisées et les actions inhibées. Les défenses immunitaires sont affaiblies. Les pathologies sont plutôt de type infections, fatigue, dépressions, maladies auto-immunes, cancers, rhumatismes…
– Le type B est équilibré, il présente des traits optimistes et positifs. La capacité à gérer le stress, à faire face et à se reposer afin de cultiver la paix, le rend mieux adapté pour conserver une bonne santé.
Mais cette classification simple ne rend pas compte de la réalité complexe des humains qui réagissent de manière différente selon les situations.
Intérêt : Ce type d’études (personnalités A, B et C) permettent d’établir des corrélations statistiques entre des traits de personnalités stables et des types de pathologies
L’école de Paris
En France, MARTY et DAVID (1953, école de Paris) relient la pensée opératoire à l’incidence des pathologies. Ce tableau clinique est repris par NEMIAH et SIFNEOS (1970, école de Boston) sous le terme d’alexithymie. La personne présente :
– une incapacité à exprimer verbalement émotions et sentiments
– une limitation de la vie imaginaire
– une tendance à recourir à l’action pour éviter ou résoudre les conflits
– une description détaillée des faits, des évènements, des symptômes physiques.
Selon ces auteurs, les mécanismes de défense des personnes alexithymiques sont vite débordés et les personnes développent alors un trouble. Car les personnes confrontées à des situations difficiles doivent prendre conscience des émotions, mais elles se trouvent en situation ambigüe puisqu’elles ne reconnaissent pas leurs émotions. L’alexithymie est donc un facteur de vulnérabilité par la difficulté à identifier ce qui se passe en elles au niveau émotionnel et donc à en élaborer ensuite quelque chose (mettre en mots, symboliser, transformer, créer…).
Les données les plus récentes font d’ailleurs état de ce rapport à la créativité et l’imaginaire comme déterminant dans le mode de somatisation. Selon SAMI ALI, s’il y a défaut d’imaginaire (alexithymie) ou au contraire excès d’imaginaire, alors des somatisations apparaissent.
Intérêt : le tableau clinique d’alexithymie est identifié comme facteur de vulnérabilité dans les troubles psychosomatiques.
À la recherche de causes extérieures
A la fin des années 50, alors que l’approche psychosomatique perdait de son intérêt, on se mit à chercher des causes extérieures : quels étaient les stresseurs environnementaux susceptibles de nous rendre malades. On en identifia une multitude entre les évènements de vie majeurs et les tracas quotidiens. Ces derniers sont plus « usants » que les évènements de vie majeurs.
En 1967, HOLMES et RAHE publient une échelle de stress d’événements de vie. Ils attribuent un score à chaque évènement (le score maximal étant attribué à la mort du conjoint). Ils font un lien entre un score élevé et le risque à développer une pathologie.
Intérêt : l’identification d’agents stressants comme facteurs environnementaux impliqués dans les troubles psychosomatiques.
La plupart des études sont des observations cliniques, les recherches étant difficiles à mener en psychosomatique, on n’a pas aujourd’hui de validation scientifique. La plupart des hypothèses ne peuvent être testées, tant il y a de variables aléatoire et variables parasites dans ces recherches. Au sein d’une complexité multifactorielle, comment arriver à isoler l’effet ou la cause d’un seul facteur ?
Il n’y a pas que les psychanalystes qui se sont intéressés à la psychosomatique !
Le regard de la biologie : émergence de la théorie du stress en psychosomatique
Les travaux de Hans SELYE sur le stress (dès 1928) montrent l’implication psychosomatique du stress : les systèmes neurovégétatif et endocrinien sont impliqués. Le stress joue un rôle dans l’incidence des maladies.
Henri LABORIT s’est intéressé, du point de vue biologique, à une forme particulière de stress qui ne suit pas le schéma classique de Hans SELYE et qui survient face à un évènement traumatique qui n’offre ni la possibilité de fuir, ni celle de combattre. C’est l’inhibition de l’action. L’énergie adaptative mobilisée par la déstabilisation face à l’événement, agit de manière perverse sur les fonctions biologiques favorisant dans un premier temps divers troubles fonctionnels. Ces derniers ouvrent une porte aux maladies chroniques et au cancer.
Intérêt : Les recherches en psychosomatiques intéressent les biologistes, particulièrement sous l’angle des modifications physiologiques, les maladies psychosomatiques deviennent des maladies de l’adaptation.
Le système nerveux en question
D’un point de vue physiologique il y aurait 2 formes de manifestations psychosomatiques distinctes :
– L’une emprunte la voie du système nerveux parasympathique et concerne les muscles lisses et involontaires. Ils tapissent la paroi des différents organes. Les pathologies concernées par cette voie provoquent des lésions organiques. L’origine semble archaïque et concerne les besoins primaires et les premières périodes de la vie, bien avant la génitalité.
– L’autre emprunte la voie du système nerveux sympathique, et concerne les muscles striés, soumis à la volonté. L’exemple est la névrose hystérique, avec ses grandes paralysies et son hyperexpressivité somatique. On parle de conversion hystérique. Selon Françoise DOLTO, ces troubles concernent des blessures narcissiques moins anciennes que les troubles psychosomatiques du circuit précédent (parasympathique), et ont un lien avec la période génitale.
De nos jours, les conversions hystériques régressent alors que les troubles psychosomatiques sont en augmentation (allergies, hypertension, ulcères…). Ils seraient l’écho de mémoires anciennes, et de refoulements émotionnels.
Intérêt : des liens « biologie/psychologie » sont tentés même s’ils paraissent parfois (selon les croyances des uns et des autres) tirés par les cheveux.
Psychosomatique : le retour !
Nous avons vu que l’engouement pour la psychosomatique a décliné après 1950. Les observations ne pouvant être prouvées scientifiquement, et les excès idéologiques des uns et des autres n’ont pas aidé à inscrire ce mouvement dans le monde médical.
L’approche aurait pu tomber en désuétude, c’était sans compter sur Ryke Geerd HAMER, médecin allemand qui stipule, dès 1981, que tout cancer est le résultat d’un choc psychologique, conflictuel et vécu dans l’isolement. Lui-même a vécu cette expérience suite à la mort accidentelle de son fils. A partir de son vécu, il se lance dans des recherches auprès de personnes atteintes de cancers. Il fonde la Nouvelle Médecine Germanique. Son originalité est qu’il se réfère à des processus physiologiques précis qu’il relie aux observations symboliques qui font sens. A l’instar de GRODDECK, il postule l’influence du psychisme comme déterminant. Selon lui, la résolution des conflits psychiques suffit à la guérison. Certains patients croient au miracle du tout psychologique, arrêtent leurs traitements, et face à ces dérives et aux problèmes médicaux qui peuvent se poser, HAMER est discrédité et rejeté par ses pairs. De nombreux thérapeutes non médecins s’inscrivent dans la lignée, fondant leurs approches qui dérivent parfois malheureusement vers une idéologie simpliste : décodage psychobiologique des maladies, Métamédicine, Biologie Totale … Les principes de sa médecine peuvent être, selon HAMER, enseignés en 2 jours !
Il n’en reste pas moins que HAMER a relaté de nombreux succès thérapeutiques, qui sont peut-être liés davantage à sa force de persuasion qu’à sa théorie. L’effet du sens est extrêmement puissant : lorsque patient et thérapeute sont persuadés de la guérison, alors l’effet placebo décuple l’ampleur de l’effet thérapeutique. Malheureusement, les cas sont nombreux aussi de patients qui sont persuadés qu’ils n’ont pas réussi à guérir parce qu’ils n’ont pas été capables de résoudre le conflit émotionnel à l’origine du cancer. La culpabilité se rajoute au poids de la maladie !
Intérêt : les liens que Hamer a pu faire entre des processus physiologiques et les aspects symboliques des cancers. Ils restent non retenus par la communauté scientifique et encensés par ses disciples.
A propos du cancer : encore et encore des hypothèses…
Le lien ente psychisme et cancer a été évoqué par de nombreux auteurs, et ceci bien avant HAMER !
– GALIEN disait déjà que les femmes mélancoliques étaient sujettes au cancer du sein.
– En 1528 pour PAYNELL : « le cancer est causé par une humeur mélancolique ».
– GENDRON (1701) : « les cancers sont dus à des arrêts brutaux d’évènements, des frayeurs, de violents chagrins ou des stases intempestives du sang ».
– Selon MICHEL MOIROT médecin français (1974), il existerait : « une tendance autodestructive latente chez un sujet mal conditionné au point de vue affectif, et qui se trouve subitement rejeté de la société où il a été élevé ».
– En 1980, Lawrence LE SHAN stipule qu’il existe une relation entre la survenue d’un évènement important et le développement d’une tumeur. Seulement, il est difficile de faire un lien de causalité.
– Jean GUIR (1983) propose d’expliquer le cancer à travers l’histoire du sujet. On retrouverait ces 3 éléments :
✓ séparation d’avec un être cher dans l’enfance
✓ séparation douloureuse se répétant ou se rappelant au sujet par un jeu de signifiants particuliers
✓ apparition de la lésion
Selon cet auteur il y a des évènements signifiants : date (anniversaires par ex), localisation de la lésion ayant un sens symbolique, la maladie apparaît au moment d’une perte ou rupture qui affecte l’identité.
La solution trouvée par le corps est la lésion comme issue de secours.
– Pour Denise MOREL (1984) : « l’individu en mal d’être se met à somatiser, à exprimer par son corps ce que son psychisme n’arrive pas à mettre en mots. La maladie est quelque chose qui parle et qui demande à être soigné. Il nous est demandé d’entendre cet appel au secours car le sujet n’a pas volontairement fabriqué ce dont il souffre, même tout au loin, dans son inconscient, il y prend une part active ».
– Pour David SERVAN SCHREIBER (2010), les caractéristiques des terrains à développer des cancers sont : « des personnes qui ne se sont pas senties pleinement accueillies dans leur enfance. Leurs parents ont pu être violents ou coléreux ou froids, distants et exigeants. Ces enfants ont reçu peu d’encouragements et développé un sentiment de vulnérabilité ou de faiblesse.
Par la suite, pour être sûrs d’être aimés, ils se sont conformés à ce qu’on attendait d’eux plutôt que de suivre leurs propres penchants. Ils deviennent des adultes qui se mettent rarement en colère, ils sont toujours prêts à aider les autres, évitent les conflits ». Cette description est proche des personnalités de type C.
Intérêt : comme maladie bio-psycho-environnementale on voit que le cancer a une représentation (sociale et individuelle) particulièrement forte. On cherche encore et toujours…
Finalement, les récits des personnes malades sont-ils à prendre comme des vérités absolues dont il faudrait tirer des lois générales ou en faire des théories globalisantes ? Je pense que ces récits sont des liens construits dans leur réalité subjective, comme tentative de donner sens et cohérence à ce qu’elles doivent affronter. La dérive est certainement de faire d’un cas une généralité, et d’une observation une loi générale. Ces interprétations empêchent ce qui me parait le plus utile et aidant : considérer les propos de l’autre comme une réalité, la sienne, qu’il convient d’accueillir, d’entendre, et d’utiliser dans la bienveillance et le respect de sa demande.
Tentative d’objectivation au sein de la subjectivité
De nombreuses études, notamment en psychologie de la santé, tentent d’explorer scientifiquement la relation entre des facteurs psychologiques et la santé. Il est très difficile de prouver comment cette relation agit et dans quelle intensité. La composante psychologique d’un cancer pour une personne qui a été au contact de produits chimiques est peut-être négligeable. Pour d’autres, elle sera plus évidente peut-être… Faudra-t-il focaliser sur une influence psychologique chez une enfant présentant une puberté précoce alors que les perturbateurs endocriniens envahissent notre environnement ? Ou encore quelle est la part psychologique si je bois de l’eau polluée et que j’attrape une bonne « turista » ?
Des facteurs « psy » sont certes impliqués, et corrélés. Par exemple, les émotions, le stress et les conflits psychologiques sont des facteurs déclenchants de certaines affections, mais les avis sont plus partagés sur le rôle particulier du psychisme. Il est fréquent de catégoriser l’asthme, l’eczéma et les autres affections cutanées comme psychosomatiques. L’interprétation est parfois excessive : l’eczéma du nourrisson illustrerait un manque affectif, les soins de peau appelleraient les caresses. L’asthme quant à lui serait provoqué par un attachement excessif à la mère…
Restons prudent sur les interprétations : l’ulcère gastrique ne faisait aucun doute quant à son origine psychosomatique. Or, récemment, l’implication d’une bactérie (Helicobacter pylori) dans l’ulcère et l’efficacité du traitement antibiotique renvoient la psychosomatique à la révision de ses chères études.
L’interaction c’est dans les deux sens !
Quand on parle de psychosomatique on pense essentiellement à l’influence du psychisme sur le corps, et on oublie la relation inverse. Or, elle est tout aussi importante. Récemment, plusieurs études ont montré ainsi qu’après un infarctus, un tiers des malades manifestent des symptômes dépressifs. En retour, la présence de la dépression semble accroître considérablement le risque de décès dans les mois qui suivent l’infarctus.
La question reste entière : qui de la poule ou de l’œuf a commencé ? En théorie on peut en discuter, étudier, chercher. Et finalement, en pratique, sur « le terrain » est-ce une question bien utile à (se) poser ?
Une voie de guérison : Construire des ponts plutôt que des murs
A mon sens, la pathologie relève de la séparation au sens large : séparation de soi avec soi, de soi avec l’autre, de soi avec ses ressources, de soi avec l’environnement, de soi avec la nature de soi avec le divin… La guérison serait plutôt du côté de la relation, de la « re-liaison ». (Se) relier, coopérer, harmoniser, (se) réconcilier, (se) reconnecter… autant de voies relationnelles favorables aux êtres à orientation sociales que nous sommes.
Sans la relation, la vie de l’Homme est simplement impossible, et s’il y survit, elle peut devenir invivable. Une jolie illustration en est faite dans le film « Seul au monde », le « nouveau Robinson » échoué sur une île désertique, crée un autre que lui (faute de Vendredi), à partir d’un ballon. « Wilson », son seul compagnon d’infortune lui permettra de rester relié et de ne pas sombrer.
Le sens de l’Humain : un Etre de relations
Les problématiques relationnelles sont souvent impliquées dans l’émergence d’un trouble. Une expérience relationnelle corrective, au cours des thérapies, pourrait-elle favoriser la guérison ? Je le crois. C’est par la relation que se joue la guérison.
Conclusion
Aucune validation scientifique n’a pu prouver le chainon manquant : comment se fait le lien psychosomatique ? Les considérations sont symboliques, et même si le lien nous paraît évident, restons prudents et rigoureux. La psychosomatique reste une hypothèse parmi d’autres. Elle demande à être retenue et prise en compte car elle est évidente bien souvent dans la pratique clinique, dans le discours des patients.
Dans une approche biopsychosociale, multifactorielle, le facteur psychologique est un des facteurs, mais on ne peut pas précisément’en connaître le poids.
Il est facile d’affirmer, et difficile de prouver. Attention aux affirmations péremptoires et autres interprétations généralisantes : « les charlatans sont en fait des personnes mal formées et mal informées qui croient être bien formées et bien informées et qui, du coup, le font croire aux autres. Tous les charlatans ne sont pas mal intentionnés. Ils sont même souvent de bonne foi, totalement aveuglés par leurs croyances. On en trouve dans toutes les pratiques de soin. On en rencontre dans toutes les relations d’aide. Ainsi, celui qui souhaite exercer une fonction thérapeutique devrait avoir l’humilité de douter et de se questionner. Sans cesse il devrait vérifier la qualité de sa formation, et sans relâche, éprouver la véracité de ses informations » [2].
Est-il utile de préciser que je suis totalement en phase avec ces propos ?