Le diagnostic, dans une démarche de soins, est souvent considéré comme une découverte de la vérité, alors qu’il ne fait que poser le cadre d’une représentation de la maladie et d’un traitement possible. Est-il nécessaire de connaître la vérité absolue d’une situation pathologique pour avoir une action thérapeutique efficace ?
La prétention de détenir une vérité de référence ne serait-elle pas un frein à la coopération optimale des diverses médecines ?
En thérapie globale, il est parfois précieux de pouvoir changer de point de vue afin de choisir, avant d’agir, ce qui est le plus pertinent face à la situation.
Et cela demande d’avoir un regard ouvert sur les limites de tout diagnostic.
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A. Le diagnostic dans la médecine moderne
Pour la médecine moderne, le diagnostic est la clef de toute la démarche thérapeutique puisqu’il approche au plus près la vérité scientifique de la situation.
1. Éléments du diagnostic médical
Les signes exprimés donnent une orientation. L’interrogatoire permettra de connaître les antécédents familiaux, le passé, les éléments du mode de vie qui peuvent révéler un facteur causal connu. Dans de rares cas, ils seront suffisants pour évoquer une maladie bien définie. Il sera cependant prudent de vérifier certains aspects, notamment pour exclure un autre diagnostic dont les manifestations sont très proches : c’est le diagnostic différentiel. Le plus souvent, des examens complémentaires sont nécessaires : biologiques, cytologiques ou d’imagerie médicale, avec parfois une épreuve fonctionnelle pour évaluer le comportement de l’organisme dans une situation spécifique.
Toutes les informations recueillies sont ensuite rassemblées et mises en corrélation avec une base de données consensuelle qui définit les pathologies : la classification internationale des maladies de l’OMS.
Un diagnostic est posé dans deux contextes possibles :
– Les signes spécifiques d’une maladie sont présents
– L’addition d’un certain nombre de signes répertoriés donne un score considéré comme significatif pour conclure à la maladie. Il s’agit alors d’un diagnostic dont la limite est fixée arbitrairement par un seuil statistique. On peut ainsi, à deux points près, être d’un côté du seuil ou de l’autre.
Un troisième contexte se présente parfois. Le tableau observé évoque par défaut une maladie, la seule qui soit concevable, compte tenu des éléments présents, avec les données actuelles. On attribue alors le qualificatif atypique à la maladie et les traitements habituels seront tentés.
2. Un diagnostic mécanique, péremptoire et enfermant
Aujourd’hui, le diagnostic médical fait loi, comme un jugement apporté par un tribunal. Tout autre diagnostic, qui n’a pas la même rigueur scientifique devra s’effacer, ou se ranger loin derrière. Le terme diagnostic en santé sous-entend d’ailleurs qu’il soit médical, et tout praticien non-médecin n’est pas autorisé à en poser.
Un diagnostic médical attribue une case, et identifie la situation d’une personne à une maladie qui appartient au patrimoine collectif de l’humanité. À partir de ce moment-là, l’étiquette attribuée facilite les choses : les conduites à tenir sont plus ou moins standardisées. Cette étiquette donne aussi une nouvelle identité, et une intégration spontanée dans la communauté de toutes celles et ceux qui ont eu, ont, ou auront cette même maladie.
Un diagnostic apporte en héritage tout le passé connu de la maladie : une description de la clinique (avec des signes présents ou non), des caractéristiques biologiques, des statistiques d’évolution, et divers traitements expérimentés avec les résultats obtenus. Dans certains cas, un traitement consensuel a fait ses preuves en améliorant la majorité des personnes traitées. Il sera alors appliqué dès le diagnostic posé et confirmé. C’est un traitement identique pour tous, avec de faibles ajustements en fonction de spécificités de la personne malade, du fait que la maladie est considérée la même pour tous, et que les variations individuelles ne sont que des aspects secondaires, non pris en compte ou traités à part.
L’observation attentive de la classification internationale des maladies qui sert de Bible au diagnostic médical, ne révèle pas de cohérence suivant un schéma global de santé. Les pathologies sont classées selon les différentes zones du corps qui ont compartimenté les spécialités médicales. À l’intérieur des compartiments, les chapitres évoquent un placard dans lequel on a rangé les différentes maladies au fur et à mesure qu’elles se présentaient, en regroupant celles qui se ressemblent par leur cause ou par leur manifestation. Et ces regroupements ne se font pas toujours suivant le même critère !
Le diagnostic médical répond donc à des critères d’observation, de statistiques, parfois de mécanisme physiopathologique et de liens de causalité connus. C’est toujours la partie malade sur laquelle on observe les manifestations qui est mise en avant ! Dans les cas extrêmes, une maladie peut être de cause inconnue, de mécanisme mal compris et se définir par exclusion de toutes les autres qui ont des manifestions proches !
Cela semble caricatural… et pourtant, c’est bien réel ! Enfermée dans son dogme de l’homme machine, la médecine moderne a conçu un catalogue de pièces détachées qu’il convient de bien identifier pour réparer la zone abîmée. La globalité n’est plus qu’une valeur pieuse, qu’il est toujours valorisant de rappeler, mais qui n’a aucune application dans la réalité !
3. L’apport de l’informatique
Une telle démarche de diagnostic, qui additionne des points positifs jusqu’à un seuil définissant la maladie sur des critères statistiques, se prête très bien à l’analyse informatisée. Ce n’est sans doute qu’une question de temps, avant que celui-ci soit systématisé. Pourquoi s’en priver ?
Dans sa démarche actuelle de rigueur rationnelle, l’ordinateur qui a accès à la totalité de la base de données risque moins de se tromper qu’un médecin qui n’a qu’une connaissance partielle de cet ensemble gigantesque.
Au bout de cette démarche, avec les moyens modernes de télécommunication, la télémédecine permettra de se connecter à un serveur qui, à partir de tous les éléments fournis, pourra fournir sans état d’âme le meilleur diagnostic et le meilleur protocole thérapeutique. Ce qui freine, probablement, est qu’avec une telle évolution, la médecine échapperait aux médecins pour entrer dans le champ des informaticiens ! Ce que la médecine n’est pas prête à accepter. Et pourtant, dans ses choix, elle tisse une toile dans laquelle elle pourrait bien se faire voler son pouvoir.
4. Le diagnostic génomique : une inquiétante promesse
Apogée de la biologie moléculaire et du traitement statistique informatisé, l’analyse génomique permet en théorie de prédire pour chacun, à partir de ses gènes, les maladies qu’il va développer et les traitements préventifs et curatifs qu’il devra employer. Il faudra certes du temps pour peaufiner une base de données complète, mais l’acharnement de la recherche en ce sens pourrait bien y arriver, si elle surmonte un frein majeur. Ces recherches étant principalement menées par des sociétés privées concurrentielles, il sera difficile de les faire coopérer pour unifier leurs données. On pourrait imaginer à terme un panel de choix qui offrirait pour chaque personne des diagnostics plus ou moins différents, chacun prétendant bien sûr être meilleur que les autres.
Cette évolution nous promet peut-être le sommet de notre civilisation : un modèle entièrement mécanisé et informatisé de la biologie humaine, et notre santé totalement remise dans les mains des intérêts privés. Nos organismes sont-ils numérisables pour entrer dans des cases prédéfinies ? Cela est envisageable, si l’on croit au modèle mécanique des êtres vivants. Ainsi, il n’y aurait plus que des cartes régulièrement mises à jour de nos organismes, plus de territoires réels à explorer directement !
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B. Autres voies de diagnostic
Les approches non conventionnelles de santé ne peuvent en principe pas parler de diagnostic, puisque celui-ci est désormais un monopole médical. Nous parlerons donc de bilan pré-thérapeutique.
1. Le bilan dans les médecines traditionnelles
Toutes les médecines traditionnelles ont un temps de lecture de la situation de la personne malade pour identifier son problème. Pour un même problème sur une même personne, le diagnostic sera différent selon les traditions, avec diverses dénominations propres à chaque culture.
La lecture d’un état de santé se fait toujours en référence à un modèle défini par les valeurs culturelles. Elle met l’accent sur les points forts développés par la tradition concernée. Les plus complètes d’entre elles font le lien avec les différents aspects de la vie : l’habitat, la nourriture, la place dans la communauté…
La médecine traditionnelle chinoise établit le niveau d’équilibre entre les cinq pôles énergétiques qu’elle a définis, notamment par une lecture très affinée des pouls. Elle cherchera des causes dans le mode de vie et apportera des solutions par ses divers outils thérapeutiques : acupuncture, diététique, pharmacopée, Feng Shui, Tui-Na, Qi Gong… Le bilan de départ est la base de toute la stratégie qui sera ensuite proposée.
La médecine ayurvédique a une démarche similaire, avec un référentiel différent.
La médecine traditionnelle africaine ou amérindienne cherche plutôt des « formes pensées parasites », liées notamment à un sort, un traumatisme passé ou un différend dans la communauté. Elle agit ensuite pour les chasser par un rituel ou une transe. Elle utilise aussi les plantes sauvages de la région dont la connaissance a été transmise par les ancêtres. Là aussi, c’est bien la lecture de départ, suivant les référents de la tradition, qui détermine les actions entreprises.
2. Le bilan préalable aux techniques de soin
Depuis plusieurs décennies, de nombreuses techniques de soins manuels, énergétiques ou utilisant divers remèdes spécifiques se sont développées. Elles sont toujours accompagnées d’une lecture préalable de la situation en rapport avec le champ d’action où il est possible d’intervenir.
Les soins énergétiques sont précédés d’un état des lieux vibratoires, qui détermine les déviances à corriger ou les manques à combler.
L’accompagnement naturopathique commence par une anamnèse définissant le terrain fonctionnel, et évaluant la vitalité disponible, en résonance avec une lecture iridologique. L’un et l’autre permettent de définir un plan d’hygiène vitale autour de quelques objectifs de changement de mode de vie, avec l’aide éventuelle de compléments alimentaires ou de remèdes naturels.
Les soins homéopathiques s’appliquent après la détermination rigoureuse d’une diathèse, sur laquelle vont agir des remèdes spécifiques, aux dilutions adéquates selon les besoins.
L’ostéopathie et la chiropraxie commencent par une lecture de la situation structurelle et des diverses tensions musculaires. Les soins proposés ont pour but de remettre en place ce qui ne l’était plus, ou d’initier une dynamique qui favorise le retour à une meilleure fluidité de l’organisme.
Etc.
3. Automatisation du bilan en santé naturelle
Les médecines naturelles n’ont pas échappé au diagnostic automatisé. Cela a commencé par des longs questionnaires dont le traitement informatique donne instantanément un résultat statistique pouvant déterminer un terrain biologique, des besoins particuliers en certains remèdes, etc.
Il en est de même pour des bilans biologiques. À partir d’un grand nombre de paramètres analysés, un logiciel qui a intégré le lien statistique entre les données obtenues et les pathologies connues peut fournir un diagnostic personnalisé.
Le sommet de cette démarche est sans doute atteint par les appareils de biorésonance. À partir de mesures électriques ou électromagnétiques effectuées sur certaines zones du corps, ces bijoux technologiques reconstituent la totalité de l’appareil fonctionnel vibratoire, et indiquent les zones de fragilité, ainsi que le niveau de l’atteinte. Ils peuvent même proposer des diagnostics médicaux probables, des adaptations alimentaires bénéfiques, les remèdes indiqués dans la situation.
4. Mécanisme du système de modélisation
De telles prouesses sont fascinantes. Avant de s’enflammer, voyons comment cela fonctionne. Il y a certes une part de génie dans la création de logiciels capables de relier des signaux subtils à des aspects fonctionnels de l’organisme. Au final, ce n’est cependant qu’une boîte noire qui modélise les signaux en fonction de données qui ont été programmées. D’un côté l’analyse et la mémorisation des mesures. De l’autre, toutes les caractéristiques connues par diverses approches, de la personne analysée. La boîte noire crée le modèle capable de retrouver ces caractéristiques à partir des mesures. Si bien que lorsqu’on analyse un sujet dont les données physiopathologiques sont inconnues, le programme va les indiquer, par probabilité statistique.
La pertinence des résultats est souvent impressionnante ! C’est le miracle de la technologie et du génie modélisateur. N’oublions pas que le résultat qui sort du programme, même s’il montre une image qui semble réelle, n’est pas une photo de ce qui est, mais une reconstitution crée par le modèle. Cette image de soi est la compilation statistique de tous les essais qui ont permis d’établir le programme. Ce qui veut dire que notre image qui semble si personnelle, est la mise en boîte de notre aspect mesurable dans la normalité statistique du programme.
Un thérapeute qui effectue manuellement un diagnostic « énergétique » n’a pas une démarche très différente. Il lit des informations selon un modèle approprié par sa formation et son expérience. Il perçoit alors une image du sujet analysé en résonance avec l’image qu’il a d’une certaine normalité. Ce qui lui permettra d’entreprendre une correction vers la normalisation.
5 – Différence entre diagnostic humain et diagnostic automatisé
Il y a une différence fondamentale de ce point de vue entre la lecture humaine et la lecture machine. La machine est parfaitement reproductible et donnera a priori la même chose dans le même contexte, y compris si le thérapeute change. Cela permet un suivi relativement objectif. En revanche, la machine ne peut aller au-delà de ce qui est dans son programme et face à un cas inconnu de sa mémoire, elle pourra selon ce qui lui a été programmé soit s’abstenir, soit orienter vers ce qui est le plus approchant… Et elle ne pourra rien inventer !
La lecture humaine est forcément beaucoup plus subjective. Une lecture dans un même contexte par des thérapeutes différents peut donner des réponses différentes. L’évolution du praticien entre deux séances peut aussi modifier ce qu’il perçoit et visualise, en plus de ce qui a évolué chez le sujet. C’est le prix à payer de l’imperfection humaine, limitée. En contrepartie, cette imperfection par absence de mécanisation est la porte ouverte à l’intuition, à l’émergence de solutions inconnues qui se construisent dans la magie de la relation thérapeutique. Là où la machine se trouve limitée par ce qui manque à sa mémoire, l’humain peut s’ouvrir à la création intuitive qui est parfois la clef d’un acte thérapeutique guérisseur, ou la porte d’un chemin dangereux. La qualité de la formation, de la perception et de la relation du thérapeute est alors déterminante.
Ces diverses considérations montrent les différents aspects du diagnostic, et notamment sa relativité par rapport à un modèle de référence, et ses limites. Cela nous conduit à la réflexion sur le véritable rôle d’un diagnostic, et la voie qui mène à un diagnostic global.
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C. À quoi sert un diagnostic ?
Nous pensons parfois, un peu mécaniquement, aidé par la médecine moderne qui nous a conditionnés à cela, qu’un diagnostic est la vérité d’une situation. C’est oublier que cette vérité, établie sur un modèle, est une vision partielle de la globalité et subjective de la réalité. Le diagnostic médical est une identification de la situation avec ce qui lui correspond dans le modèle établi par la science médicale. Le diagnostic chinois fait la même chose avec son propre référentiel, et il en est ainsi de toutes les médecines.
Mettre le diagnostic médical au-dessus de tous les autres est une convention liée au fait que la médecine moderne est la référence choisie dans les sociétés occidentales. Fondamentalement, c’est une vision partielle et subjective de l’état de santé d’une personne, au même titre que les autres. Avec cependant l’avantage d’être devenue commune à tous et de permettre de travailler sur un socle commun.
1. Diagnostic et vérité
Si le diagnostic est considéré comme une prétention de vérité, la guerre idéologique est inévitable entre les médecines, chacune pouvant penser légitimement que sa lecture voit des choses plus importantes que celle des autres. Chacun hiérarchise l’importance en fonction de son référentiel, et avec lui, les solutions les mieux adaptées. Les autres approches, éventuellement, apportent des soins complémentaires, là où elles se sont avérées performantes.
On ne peut rien contre cela, chaque être humain refait un monde subjectif dans son cerveau, s’associe à d’autres qui ont une vision proche. Ainsi, ils croient que cela est vrai, et sont prêts à se battre contre ceux qui se trompent pour rétablir la vérité. Or, la vérité objective n’est pas accessible au mental humain. Il est simplement possible de l’approcher, et affirmer, après de rigoureuses vérifications, que certaines choses sont vraies dans le contexte où elles ont été vérifiées.
Cependant, avoir une vérité subjective est nécessaire pour agir. Toute action efficace nécessite de se reposer sur un référentiel à partir duquel peuvent se construire et s’expérimenter des actes aux effets prévisibles. Cependant, aucun référentiel ne peut prétendre être la globalité. Il peut juste avoir intégré une recherche de cette globalité. Son domaine d’action sera toujours partiel, en comparaison au potentiel de l’ensemble des possibles.
2. Diagnostic et action thérapeutique
Pour sortir de l’insoluble conflit de hiérarchie des référentiels, il suffirait de ne plus attribuer au diagnostic une prétention de vérité, mais le considérer comme un cadre posé pour entreprendre une action efficace.
Nous l’avons vu dans de nombreux exemples évoqués précédemment, tout acte thérapeutique est précédé d’une lecture qui permet d’ajuster les soins entrepris, et vérifier ensuite que la correction recherchée a été obtenue.
3. Effets pervers du diagnostic médical
Le diagnostic médical, une fois sorti du dogme mécaniste de la science qui le sous-tend, est une vision spécifique de la maladie qui conduit à mettre en œuvre certains traitements expérimentés et validés. Dans certains cas, ces traitements sont performants. Parfois, ils sont spectaculaires. Dans d’autres, ils peuvent être inopérants, voire néfastes ! Ériger en vérité un diagnostic établi dans un référentiel qui parfois n’apporte aucune solution ferme la porte aux autres approches, qui existent et ont acquis une expérience positive dans la situation.
Ce dernier point est essentiel. C’est une zone sombre de la situation actuelle de la santé dans les pays où la science médicale exerce une souveraineté sans partage. Instaurer un diagnostic comme la vérité de référence conduit à une identification forte entre le malade et sa maladie. Et s’il n’y a pas de possibilité de guérison connue, l’incurabilité fait aussi partie de l’identification, ce qui évidemment ne favorise pas l’évolution positive et l’invention de solutions nouvelles.
4. L’exemple du syndrome fibromyalgique
Ce qui a été observé à ce sujet pour le syndrome fibromyalgique est éclairant. Au départ, il y avait des malades qui affirmaient souffrir et dont la souffrance était invisible. Pas de signes biologiques, pas de lésion, pas de troubles fonctionnels aux examens habituels. Donc pas de diagnostic !
La fibromyalgie a finalement été définie, après constatation d’un abaissement du seuil de perception de la douleur. Des critères permettant de la diagnostiquer ont alors été établis. Il a cependant fallu du temps pour que cette nouvelle maladie soit connue de tous les médecins. De nombreuses personnes malades ont connu une longue errance thérapeutique, parfois plusieurs années, pendant laquelle on leur disait qu’il n’y avait rien, quand ce n’était pas la suggestion d’un trouble psychique. Beaucoup ont décrit le diagnostic comme un grand soulagement. Enfin la reconnaissance !
La suite a montré l’envers du décor. Une forte identification à la maladie qui a apporté la reconnaissance, parfois renforcée par l’appartenance à une famille au sein d’associations, conduit parfois à des comportements d’évitement de toute solution qui pourrait conduire à la guérison. Comportement apparemment étrange, mais pourtant cohérent vis-à-vis de cette identification. Lorsque l’on a trouvé la reconnaissance à travers une identité forte, après avoir connu la double souffrance, du corps et de l’ignorance des autres, comment se séparer de cette nouvelle identité réparatrice ?
En fait, ce n’est pas le besoin de reconnaissance qui pose problème, il est inévitable dans un état de souffrance. C’est le fait qu’elle soit trouvée à travers une maladie, objet abstrait d’identification, alors que c’est avant tout l’être souffrant qui a besoin d’être reconnu. En absence de cette reconnaissance réellement réparatrice, l’identification à la maladie est un sas de protection, qui rend la situation plus supportable, mais qui est sans doute un grand frein à la possibilité d’amélioration significative ou de guérison.
5. Rôle du diagnostic médical sur l’évolution de la maladie
La question peut se poser de manière plus générale pour d’autres maladies. La connaissance du diagnostic médical, nécessaire aux médecins pour entreprendre les soins, est-elle bénéfique pour le malade ? Le fait d’aller chercher dans les livres ou sur internet toutes les descriptions et probabilités d’évolution de la maladie ne va-t-il pas influencer l’évolution ?
Plus une personne malade s’approprie d’informations sur sa maladie, plus elle s’identifie à elle, en oubliant qu’elle n’est qu’un modèle virtuel, un moule établi par les statistiques. De malade singulier, elle devient membre de la communauté des victimes d’une maladie, qui s’approprie aussi les statistiques d’évolution et diverses peurs liées aux expériences difficiles des autres.
Si nous admettons que le psychisme joue un rôle dans l’évolution de la santé, au moins en ouvrant ou non la porte à la possibilité de guérison, nous pouvons supposer que le diagnostic qui conduit à l’identification à la maladie puisse être un handicap pour en guérir.
L’exemple du syndrome fibromyalgique cité précédemment nous montre les risques de s’identifier au diagnostic médical, qui est une identification à autre chose que soi-même : une nébuleuse statistique. Notre besoin de reconnaissance et d’une prise de conscience que nous sommes malade et que nous devons entreprendre des soins seraient sans doute tout aussi satisfait par la reconnaissance d’un état malade, avec un inventaire de tous les domaines où il est possible d’agir pour obtenir un effet bénéfique.
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D. Le diagnostic en approche globale intégrative
La médecine intégrative se définit au départ comme une démarche ouverte, orientée vers la solution, et pouvant utiliser pour cela les méthodes les plus pertinentes dans une situation singulière, évaluées en s’appuyant sur la qualité de la relation thérapeutique.
Dans ce contexte, un diagnostic n’est pas une prétention de vérité, c’est une porte ouverte vers une action thérapeutique. Sa valeur est directement liée à l’utilité du soin qu’il propose. Un diagnostic qui n’apporte aucune solution est non seulement inutile, il est néfaste !
Un diagnostic intégratif oscille entre un état des lieux qui caractérise le malade dans sa singularité et la maladie collective abstraite que l’on veut lui attribuer. Diagnostiquer une maladie définie statistiquement conduit le malade dans une case. Celle-ci ne correspond jamais à ce qu’il est réellement, mais à ce qu’il y a de commun à tous ceux à qui elle est attribuée. Si la case prétend définir la réalité, elle enferme dans un seul possible. Si elle apporte un traitement efficace, elle ouvre vers une solution.
Le diagnostic idéal est alors l’observation de divers points de vue et le choix, en accord avec la personne, de celui ou de ceux (s’ils peuvent coopérer) permettant le programme thérapeutique le plus satisfaisant.
Merci pour cette belle synthèse si précieuse !