Les produits laitiers sont-ils « nos amis pour la vie » ou « une sacrée vacherie » qui ronge sournoisement la santé de ceux qui les consomment ? La question est clairement posée, et le débat émerge parfois sur les grands médias dans un véritable dialogue de sourds. Il faut dire que tous les ingrédients sont là pour la polémique : des enjeux économiques énormes, des observations inquiétantes, et une passion qui s’investit dans le pour et le contre, souvent au-delà de toute raison.
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1) Une source indispensable de calcium ?
L’argument fondateur de la préconisation du lait en quantité (3 produits par jour) dans l’alimentation santé est son apport exceptionnel en calcium. Une démonstration bien ficelée explique qu’un pic de densité osseuse maximal à 30 ans est la meilleure prévention vis-à-vis de l’ostéoporose qui nous menace en fin d’existence.
Le problème, c’est que le lien entre ce capital acquis sous l’influence du calcium laitier et la santé osseuse des personnes âgées est davantage un postulat qu’un fait prouvé. Les statistiques des pays nordiques, gros consommateurs de produits laitiers, sont particulièrement inquiétantes pour les fractures de la personne âgée : ces pays en détiennent le triste record ! Les habiles jonglages d’interprétations de ces résultats pour leur trouver d’autres causes restent peu convaincants pour un esprit indépendant. On sent bien que les intérêts en jeu conduisent à de petits arrangements avec la raison et l’utilisation de procédés de communication performants dans leurs objectifs.
2) Une alimentation contre nature ?
Aucun mammifère ne consomme naturellement de lait à l’âge adulte et jamais celui d’une autre espèce. Cet argument est souvent l’un des premiers avancés par ceux qui ne veulent plus de produits laitiers dans l’alimentation. Effectivement, c’est vrai ! Mais vous connaissez un animal qui fermente le raisin pour faire du vin, ou cuisine ses céréales pour les rendre plus digestes ?
Il y a bien une spécificité humaine dans l’alimentation, et si elle est reconnue dans certains domaines, pourquoi ne permettrait-elle pas aussi d’adopter les laits animaux dans sa diversité alimentaire ?
3) Plus fort que la raison, l’émotion
Pour beaucoup de consommateurs de produits laitiers, il y a quelque chose d’affectif qui attache à ces aliments sans équivalent dans leur onctuosité ou leur tendre rappel des goûts d’enfance. S’en priver, ce serait se couper d’une partie de soi. Perdre un peu son identité !
Chez les « anti-lait », on trouve aussi une forte identification. Une étudiante en sociologie a interrogé des personnes qui ont fait le choix de bannir le lait de leur alimentation. Pour certaines, aucun bénéfice n’avait été constaté sur leur santé, mais pour rien au monde elles ne feraient marche arrière ! Cesser de consommer du lait, c’est appartenir à une communauté rebelle à la dictature scientifico-économique qui veut l’imposer, et cela devient un élément fort d’identité.
Ces exemples sont bien sûr extrêmes. Ils montrent les deux polarités du débat, dans lequel, le plus souvent, on oppose des militants dont les visions sont rétrécies par un engagement affectif.
4) Le lien entre produits laitiers et certaines maladies
Les produits laitiers sont-ils en cause dans la recrudescence du cancer de la prostate, du diabète insulino-dépendant, de la sclérose en plaque, des otites à répétition de l’enfant, de l’autisme et de l’hyperactivité, des maladies auto-immunes… ?
Ce débat est une confrontation sans fin de publications significatives pour certains et de niveau de preuve insuffisante pour d’autres. Débat finalement stérile, car chacun a tendance à mettre le niveau de preuve valide là où ça l’arrange ! Au final, chacun reste sur ses positions et pour le public, l’avantage revient à celui qui a le plus séduit, qui parle le plus fort, ou qui jouit d’une aura sociale plus grande.
Pour se faire une idée, il faut d’abord sortir de tout préjugé et prendre le temps de considérer les faits avec discernement. Faire la part de militantisme partisan pour une cause ou l’autre de celui qui les expose donne la vraie valeur des arguments avancés. Un exercice de souveraineté individuelle !
5) L’expérience que chacun peut faire
Pour se rendre compte vraiment, au moins sur les effets à court terme, des effets des produits laitiers sur notre santé, il suffit de s’en priver complètement pendant plusieurs semaines, d’observer ce qui se passe, et de les reprendre en grande quantité. Les effets étant différents selon chacun, cette expérience personnelle est la seule démarche vraiment fiable.
Avec cependant une limite, d’éventuels effets sournois à long terme ne peuvent se révéler ainsi, et s’ils se révèlent un jour, il sera trop tard ! D’où l’intérêt, en plus de l’expérience personnelle, de considérer les diverses informations issues de recherches scientifiques indépendantes.
6) Une attitude de bon sens pour la consommation de produits laitiers
Après une recherche la plus large possible dont le compte rendu est accessible par lien en bas de page, j’en suis arrivé au fait que trois produits laitiers par jour, comme le préconise le PNNS*, c’est trop, et la balance avantages/inconvénients pour la santé semble même défavorable ! En revanche, il n’y a pas de raison de se priver des produits laitiers, dès lors qu’il n’y a pas d’intolérance individuelle constatée ou de lien établi avec une maladie en cours. Et ceci, en respectant au mieux les critères suivants :
– 1 produit par jour maximum, selon son propre plaisir.
– Prioritairement issu de l’agriculture biologique.
– Plutôt brebis ou chèvre que de vache.
– Préférentiellement du fromage blanc de qualité et caillé à la présure, ou des fromages à pâte dure, et en dernier le lait natif.
– Le beurre et la crème fraîche, en quantité modérée.
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Illustration : Myriams-Fotos de Pixabay
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* LE PNNS a évolué depuis 2010. Dans sa version 2021-2023, il n’est plus question de 3 produits laitiers par jour, mais 2, Plus précisément : « Faire évoluer la consommation des produits laitiers chez les adultes de sorte que : 100 % de la population consomme au moins un produit laitier par jour ; et 100 % de la population consomme moins de 4 produits laitiers par jour.
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Pour une information complémentaire, précise et documentée :
Dossier complet : produits laitiers et santé (2010)
Autre source de renseignements non négligeable sur la consommation du lait et ses effets, avec des cas cliniques, le livre du Dr Cottinat « Stop aux brûlures d’estomac » disponible sur le site http://www.thierrysouccar.com
Récemment, dans une émission scientifique de France Inter, les deux archéologues invitées (Marylène PATOU-MATHIS et Marjan MASHKOUR ) expliquaient les relations culturelles qui pouvaient exister entre l’animal et l’homme préhistorique. Elles ont indiqué qu’il y a des traces de consommation de lait au Proche Orient 8000 ans avant Jésus-Christ, et que cette habitude a été transmise vers l’ouest en 2000 ans car on y retrouve alors les mêmes traces en Europe.
Cette même émission conseille sur ce sujet la lecture du livre « les débuts de l’élevage, les origines de la culture » de Jean Denis VIGNE (paru en octobre 2004 chez l’éditeur Le Pommier).
Du point de vue culinaire, le lait est un ingrédient de base depuis longtemps. Si crème et beurre sont de mauvaise qualité nutritive, ils sont d’intérêt gastronomique essentiel. Mais il est vrai qu’aujourd’hui le plaisir du goût et des saveurs semble disparaître. Comme pour tout produit, il faut s’en tenir à une consommation raisonnable.
Je ne conteste aucunement les différents problèmes que l’on attribue à la consommation du lait, et je présume même qu’il y en a d’autres à découvrir. Je suis seulement persuadé que ce n’est pas le produit lait qui est en cause, mais son évolution, comme d’une façon générale l’évolution de tous les produits alimentaires qu’on nous propose. Mais l’industrie agroalimentaire est déjà prête à répondre à un délaissement du lait par les consommateurs. La commission européenne vient d’autoriser la commercialisation d’un fromage sans lait !! appelé « fromage analogue ». On peut faire confiance aux chimistes alimentaires pour lui donner texture, couleur, odeur et saveur comparables, mais comment va réagir notre organisme à un assemblage de galactomannane, de carraghenane gélifiant, d’amidons, ..ect.
Si on déconseille de l’alimentation tous les produits qui sont pervertis par l’agroindustrie, et surtout si on laisse celle-ci continuer à s’accaparer le patrimoine agricole notamment par les brevets, il va devenir difficile de trouver quelque chose de sain à manger. Mais si chaque consommateur prenait la peine de s’informer sur la provenance de ce qu’il achète ( par exemple en regardant des films comme Le Monde selon Monsanto, Notre Pain Quotidien, We Feed the World, L’assiette sale, …) beaucoup de ces produits resteraient dans les rayons.
J’ai lu avec intérêt le dossier Produits laitiers et Santé, car l’aspect médical détaillé est pédagogique. Mais on ne peut traiter pleinement ce sujet et essayer d’en tirer des conclusions sans évoquer le volet production.
L’argumentation en faveur ou défavorable au lait m’apparaît peu convaincante d’un côté comme de l’autre car elle supporte mal le raisonnement. En quoi l’utilisation du lait de vache en dehors de l’allaitement des veaux serait contre nature? Une fois le veau grandi, la vache continue à produire quotidiennement du lait. Pour la chèvre, c’est la même chose. Tout consommateur un peu averti sait que le fromage de chèvre est un produit saisonnier absent en période d’élevage des chevreaux, sauf en production industrielle par les laiteries. Mais dans ce cas, il faut oublier la belle image du troupeau de chèvres qui gambadent dans la colline ou bien celle des brebis qui transhument dans les alpages.
Je ne suis pas d’accord avec l’historique de consommation du lait tel qu’il est présenté. C’est juste de rappeler qu’il y a des peuples de chasseurs cueilleurs qui ne consomment pas de produits laitiers, c’est injuste de ne pas citer qu’il y a aussi des peuplades de pasteurs nomades qui consomment le lait de leur troupeau, et c’est souvent la boisson d’accueil offerte aux visiteurs. En Europe, avant le développement industriel, l’autonomie alimentaire était la règle d’un pays rural. Chaque ferme, chaque village avait ses vaches ses brebis, ses chèvres. À l’évidence le lait allait en priorité à l’élevage des petits, mais le reste de l’année, il est inconcevable de croire que ce lait était jeté ou entièrement donné aux cochons. Avec le développement industriel, de plus en plus de personnes quittent la campagne mais elles ne changent pas pour autant leurs habitudes alimentaires. Le développement de la production laitière se fait pour répondre à cette demande de consommation. La course au profit provoquant une surproduction, la promotion des produits laitiers à pour but d’écouler cet excédent.
D’autre part, il ne faut pas se faire trop d’illusions sur la production biologique du lait. Certes, il y a des règles qui sont respectées, mais on peut s’inquiéter de l’évolution de cette réglementation qui devient de plus en plus tolérante aux méthodes de l’agroindustrie. L’uniformisation de la réglementation européenne mise en place début 2009 s’est faite bien sûr par le bas (voir le dossier de la revue Nature & Progrès n°71 de mars 2009). En agriculture biologique, on retrouve les mêmes races de vaches qu’en agriculture conventionnelle, donc sélectionnées pour produire beaucoup de lait …. donc avec un fort taux du facteur de croissance IGF-1!
En agriculture, l’augmentation du rendement se fait toujours au détriment de la qualité nutritionnelle. Un autre exemple bien connu est celui du gluten dont le taux dans le blé a systématiquement été privilégié en sélection pour faire une farine facilement panifiable et ainsi fabriquer des pains beaucoup plus vite. Et aujourd’hui, on découvre une intolérance au gluten grandissante! Certains boulangers bio ( les vrais de mon point de vue) recherchent (ou produisent eux-mêmes) des farines issues d’anciennes variétés de blé. Ce pain-là n’est pas surchargé en gluten. Pour revenir au lait, il existe encore aujourd’hui des troupeaux de vaches de race ancienne qui broutent dans les prés ou sur les alpages. Ne serait-il pas intéressant de comparer ce lait artisanal « ancien » avec celui de la production industrielle? Et par la même occasion de comparer les tolérances sur les personnes qui les consomment? Mais qui à intérêt à financer cela ?
Merci d’avoir écrit avec grande honnêteté ce texte et surtout le dossier « laits ». En tant que pédiatre, j’y adhère totalement et propose quelques commentaires :
1. La pression du monde de l’industrie agro-alimentaire d’où sont issus les laits pour bébé est réelle dans le milieu médical. Leurs représentants défilent tour à tour dans les cabinets médicaux et certains d’entre eux font des propositions alléchantes de type petite étude avec inclusion de nourrissons au lait X moyennant quoi un voyage lointain, aux frais de la princesse, est offert… en maternité et services de néonatalogie universitaires, il en est des « tours de laits », des « caisses de services », des congrès avec financement pas ces labo (entre autres). Il n’y a jamais cela avec un lait pour bébé AB… (d’ailleurs pas de passage de leurs représentants !) ; ces laits sont d’ailleurs totalement exclus des tableaux récapitulatifs des laits qui ont été re-adressés aux pédiatres récemment au sein d’un journal de pédiatrie… A partir de là, il n’y a plus d’honnêteté dans les prescriptions ni de remise en cause des pratiques…
2. Le point de départ des infections ORL et broncho-pulmonaires et souvent de l’eczéma étant l’inflammation digestive, auto-entretenue par la maldigestion et les traitements médicamenteux, il suffit souvent d’arrêter le lait et laitages de vache (ou tous) et de relancer les mécanismes physiologiques avec des compléments alimentaires pour que cessent les infections… nombre de parents en témoignent et j’ai la joie de voir ces bébés guérir simplement.
3. Il est temps de passer à une médecine individuelle et qui entre dans la compréhension de la vie. Je vous encourage à lire le dossier laits de ce site : je trouve la synthèse remarquable et n’ai jamais eu l’occasion d’en lire autant dans une revue médicale ! Il gagnerait à mon sens à être complété par un tableau récapitulant les différences entre élevage « non AB » et « AB » éclairant, sur les traitements soumis aux vaches et les conséquences sur le consommateur.
Merci beaucoup pour toutes ces précisions.
La suite du témoignage sur les solutions alternatives au lait de vache pour les jeunes enfants est indiquée en annexe du dossier Produits laitiers et santé mis en lien à la fin de l’article.
À la page 4/16 du dossier, il est indiqué que le lait « contient naturellement des facteurs de croissance adaptés à l’espèce qui le produit ». En consultant le tableau de la page 13/16 on constate effectivement que le veau grossit 3,5fois plus vite qu’un bébé, mais aussi qu’un chevreau 9 fois plus vite et un agneau 18 fois ! Alors je me demande comment les laits de chèvre et de brebis peuvent être préférables au lait de vache. Au bas de cette même page 13/16, un petit encadré fait la promotion du lait de jument. Dommage qu’il n’ait pas été incorporé au tableau comparatif situé juste au-dessus! Il me semble que par sa corpulence, sa nourriture, son mode de vie, la jument est bien plus proche de la vache que de la femme.