Le passage imposé par les essais contrôlés randomisés (ECR) pour valider une démarche thérapeutique est la manifestation d’un dogme qui préserve la domination d’une médecine mécaniste sur un modèle d’organisme-machine. Cette obligation, rarement remise en cause, verrouille la porte vers la reconnaissance d’une médecine humaniste et réellement intégrative.
Evidence base medecine (EBM), la « médecine fondée sur la preuve »
Ceux qui se revendiquent de l’EBM n’ont qu’un mot à la bouche dès lors que l’on évoque une solution thérapeutique : a-t-elle été évaluée par un ECR ? À défaut, elle est immédiatement rejetée.
Or, un ECR est prévu pour évaluer une solution thérapeutique en l’isolant de l’ensemble de la démarche, or on sait que dans la complexité du monde vivant, le tout est davantage que la somme de ses parties. L’effet global d’un accompagnement n’est donc pas l’addition de toutes les solutions thérapeutiques utilisées. Il est davantage que cela, et ne peut donc pas être évalué par des ECR.
Les ECR sont non seulement inefficaces pour juger de l’efficacité d’une approche globale intégrative de soins, le fait qu’ils soient posés comme la seule méthode valide est le plus grand frein au développement de cette approche. L’expérience vécue de la médecine intégrative ne cesse de montrer que dans le domaine des maladies chroniques et des pathologies nouvelles, elle obtient souvent de meilleurs résultats que les traitements validés par l’EBM. L’impossibilité de mesurer ses effets par des ECR empêche sa reconnaissance.
Intérêt et limite des ECR
L’ECR est la méthode idéale (le « gold standard ») pour évaluer l’action spécifique d’un traitement sur un objectif limité. Toute la littérature passée, lorsque les expérimentations ne sont pas frauduleuses, nous donne une immense base de données à partir de laquelle il est possible de composer dans la plupart des situations.
Il est cependant facile de valider un médicament pour un effet spécifique ciblé alors l’effet global est plutôt néfaste. Les statines font baisser le cholestérol mais ne réduisent pas pour autant le risque de premier accident vasculaire, tout en dégradant progressivement la santé lors de prises à long terme. Les antidépresseurs améliorent parfois l’humeur ressentie sans régler le problème de fond. En même temps, ils provoquent parfois des effets collatéraux graves et entraînent souvent dans une dépendance avec une lente dégradation, sans solution pour en sortir vraiment.
Dans les deux cas, ce sont bien des ECR qui ont validé ces produits.
L’exemple de l’épidémie de Covid19
La pandémie qui s’est développée début 2020 est une illustration de la situation dans laquelle peut mener l’EBM. Après avoir tenté d’interdire toutes les solutions utilisant de vieux médicaments : huiles essentielles, hydroxychloroquine, azithromycine, puis irvermectine, le médicament encore sous brevet de Gilead vendu à prix d’or, le redemsivir a été précipitamment mis en avant sur la base d’un essai contestable mais conforme… avant d’être reconnu comme inefficace !
Alors que de nombreux malades étaient abandonnés à leur sort à défaut de complications nécessitant l’hospitalisation, de nombreux médecins ont soigné, au mieux, avec les moyens disponibles. Ils ont constaté de réelles améliorations de la maladie et de très rares complications, démontrant que soigner les gens avec ce que l’on a est toujours bénéfique. Cette démarche globale, non validée par le sacro-saint ECR, n’a jamais été reconnue par les autorités sanitaires.
Placebo : ami ou ennemi ?
Le but d’un ECR est de valider l’activité spécifique d’une solution thérapeutique, isolée de l’effet placebo qui s’y associe. L’essai évalue l’effet global (solution + placebo) et le placebo seul. Il ne sera concluant que si la différence statistique est significative. Le placebo apparaît alors comme un perturbateur qui empêche de voir la véritable action thérapeutique. Ce qui est recherché est un effet mécanique, prévisible, maîtrisable.
En fait, les ECR ne cessent de montrer qu’il existe un effet placebo dans toute approche de soin. Celui-ci est même parfois supérieur à l’effet spécifique de la solution testée. Pour la science réductionniste, il est incompréhensible et non contrôlable, et le rechercher relève de la charlatanerie.
En fait, il est la manifestation que les organismes ne sont pas des machines, ce sont des systèmes auto-organisés avec une intelligence capable d’évoluer et, dans certains contextes, de s’auto-guérir.
Le perturbateur vu comme un ennemi par la science matérialiste qui veut contrôler la vie est le grand allié des médecines humanistes qui cherchent à coopérer avec la vie.
Dans une démarche thérapeutique, tout ce qui favorise l’effet placebo (et notamment la qualité relationnelle) accroît les bénéfices pour la personne. Les ECR ne savent pas et surtout ne veulent pas évaluer cela.
La voie imposée des ECR sélectionne des traitements technologiques et coûteux
Un ECR coûte cher, très cher. Les financements d’études étant désormais privés, entreprendre un tel essai doit être un investissement rentable. La seule rentabilité possible est de tester une solution brevetée, donc artificielle, qui sera ensuite commercialisée en exclusivité à prix élevé.
Qui financerait aujourd’hui une étude sur un produit naturel appartenant au domaine public, sachant qu’en cas de résultat positif, de multiples sociétés pourront ensuite le commercialiser et en tirer profit sans avoir rien dépensé pour l’évaluation ?
C’est ainsi que les nouvelles solutions adoptées par les autorités de santé, dans l’esprit de l’EBM, sont des médicaments de synthèse aux bénéfices souvent minimes, aux effets secondaires bien réels, et aux prix de plus en plus élevés, parfois exorbitants L’industrie pharmaceutique gagne beaucoup d’argent dans ce système, et les assurances maladies plongent dans le déficit…
Quand les médecines naturelles prennent le même pli…
Les multiples articles qui inondent le net et les revues pour vanter les mérites d’un produit ou d’un soin naturel ont un avantage : la solution proposée est généralement non toxique. La démarche est cependant la même, en pire puisque les allégations avancées reposent le plus souvent sur un biais cognitif : « j’y crois donc ça marche », sans expérimentation suffisante pour le vérifier.
Ces annonces prennent le même pli en postulant qu’une technique de soin spécifique est la solution. Elles oublient que dans les témoignages et observations sur lesquels elles s’appuient, il y a aussi un contexte dans lequel la solution est appliquée. Ce contexte est sans doute plus important que la solution mise en avant, mais il est bien moins spectaculaire qu’une solution quasi miraculeuse.
Un problème, une solution unique, c’est de la mécanique !
Cela fonctionne sur des pathologies aiguës, pas sur les difficultés et maladies chroniques.
Peut-on évaluer la globalité d’une approche de santé ?
La pratique intégrative conduit à des améliorations notables dans de multiples situations. Elle utilise en synergie une qualité d’accompagnement, un soutien au terrain biologique et des méthodes de soins. L’ensemble fonctionne, sans que l’on puisse isoler la part de chaque élément de cet ensemble. L’évaluation isolée de ces éléments reviendrait à mécaniser la transformation d’un être vivant, alors que cette transformation se fait sur un mode complexe, systémique, pas mécanique !
Comment évaluer globalement un accompagnement thérapeutique ? En sortant de la logique mécanique avec ses ECR, et en s’inspirant de l’approche systémique.
En cessant de chercher le progrès dans de nouveaux médicaments aux prix élevés, consécutifs aux coûteux ECR qui les valident, alors qu’ils apportent généralement un bénéfice contestable, il est réaliste de financer une agence publique indépendante capable d’organiser une évaluation globale des parcours de soins.
Un bilan standardisé qui objective la situation bio-psycho-sociale d’une personne en termes de bien-être et de capacités fonctionnelles peut évaluer les effets des démarches thérapeutiques. Le niveau d’amélioration obtenu permet alors de comparer l’efficacité de diverses démarches thérapeutiques et de valider celles qui apportent un réel bénéfice.
De manière plus approfondie, l’intégration dans les données récoltées des divers facteurs entrant dans la démarche (qualité relationnelle perçue par le sujet, modification de son mode de vie, traitements utilisés et niveau d’adhésion à ces traitements…) permettrait à terme par une analyse statistique performante de dégager ce qui est le plus favorable et que les praticiens seraient invités à développer.
Nous en sommes loin.
L’avenir se construit par ceux qui croient au changement et l’incarnent dans le champ de leur possible.
Merci Jacques pour cette analyse dont je partage les conclusions. Il en effet impossible d’expliquer les effets des médecines vitalistes par une démonstration dite scientifique dès lors que la systémique d’un organisme vivant, quel qu’il soit, répond à un programme inné, adaptatif et continu le temps de sa longévité. Ce n’est pas la science qui l’a crée, mais la nature dans toutes ses dimensions matérielle, vitale, psychologique et spirituelle; comme la science réductionniste, comme l’indique son nom, est incapable d’appréhender l’ensemble, elle se réfère à ce qu’elle peut analyser et à peu près comprendre : les manifestations de la matière par les deux outils qu’elle maîtrise approximativement, la physique et la chimie.
L’approche vitaliste a le mérite de tenir compte de la globalité – sans toute fois en définir parfaitement la nature et les contours – et de faire confiance à l’expérience dans la perception des phénomènes vitaux pour percevoir ce que l’expérimentation scientifique ne permet pas. Comme la santé est bien plus que les manifestations physico-chimiques de la matière, la médecine moderne est inadaptée pour comprendre la vie et ses manifestations dites pathologiques.