La psychothérapie intégrative
« Intégratif », Qu’est-ce que c’est ? C’est un état d’esprit et une ouverture à la globalité de l’être ainsi qu’à une pluralité d’approches. Ce n’est pas un nouveau courant ou une nouvelle école…tentons d’y voir un peu plus clair dans ce qui se fait déjà car les pratiques se sont mélangées et mixées pour s’adapter aux singularités des personnes : praticiens et patients.
Dans le champ « psy », de nombreuses écoles se sont développées à l’intérieur ou au bord de 4 orientations : psychanalytique, humaniste, comportementaliste et cognitiviste.
Si dans d’autres pays le pragmatisme est la règle (aux EU, l’intégration des approches est une vieille histoire) en France la théorie prime sur les solutions pratiques. Il y a eu donc de nombreuses résistances face à l’approche intégrative qui manquerait de rigueur. La psychanalyse a été très défendue, alors qu’aux Etats-Unis, elle a été soumise à des aménagements pragmatiques, avant de se dissoudre lentement après les années 50. En effet, l’association américaine de psychiatrie en 1959, par la voix d’Alexander, plaide en faveur d’une intégration en psychothérapie, dénonçant un « dogmatisme défensif ».
Outre Atlantique
Un tournant s’opère à partir des années 60 aux Etats-Unis. La neutralité préconisée jusqu’alors par la psychanalyse est délaissée : le thérapeute est engagé et c’est sa personnalité qui devient la clé du traitement. Le professionnel, par ses compétences et sa flexibilité, rend possible des expériences correctrices pour le patient au travers d’interactions favorables.
Le patient ne retrouve pas dans l’attitude du thérapeute les réactions auxquelles il s’attend. La chaine des réponses prévisibles voire des redondances est rompue favorisant d’autres possibilités.
Cette nouvelle conception se rapproche de la vision systémique : un élément du système relationnel a changé, entrainant une nouvelle forme de relation. Le thérapeute accepte l’idée d’avoir cette influence correctrice.
La psychodynamique (l’approche psychodynamique regroupe des pratiques qui vont de la psychanalyse traditionnelle aux psychothérapies psychanalytiques longues ou brèves) devient dès lors adaptative : connaître le passé ne suffit plus, il faut agir ! Confucius doit se retourner de bonheur dans sa tombe ! Ici, les mots ont moins de pouvoir que les actes. Le thérapeute encourage le patient à prendre confiance dans ses capacités à agir.
Psychologie et philosophie : L’existentialisme et l’humanisme
Carl Rogers, dès les années 50, est un des psychologues les plus importants aux Etats-Unis. Les courants humanistes et existentialistes flirtent. L’existentialisme américain compte de grands noms : Allport, Maslow, May, Rank, Adler…avec lesquels Rogers échange.
Ce courant préconise une « non directivité », et une communication en reflet. Le but est d’aider le patient à retrouver son autonomie, sa responsabilité et à (re)connecter avec son authenticité. Ce courant ouvre la porte à de nombreuses innovations.
Les années 70
Un grand nom de la psychologie expérimentale, Skinner, échange également avec Rogers. Il introduit l’idée selon laquelle les comportements ne sont pas déterminés par une cause mais par « l’ensemble inépuisable des circonstances ». On sort du béhaviorisme pur et dur, pour une alliance entre comportementalisme et cognitivisme : coopération au service d’un pragmatisme, et à l’écoute des patients ! Ces derniers se plaignent tout autant de leur comportement que de leurs idées qui les font souffrir. Ellis identifie alors des croyances irrationnelles, erronées, en lien avec les troubles émotionnels : les TCC voient le jour. Beck poursuit l’œuvre d’Ellis sur le courant cognitiviste.
Les années 80 : DSM III, le gros pavé dans la mare
Le controversé le DSM III marque un changement majeur : on délaisse l’idée d’une cause explicative pour proposer une symptomatologie descriptive. Les troubles de la personnalité balayent les grands concepts psychanalytiques. L’accent est mis sur le soin : il s’agit éradiquer les troubles gênants.
Où en est-on ? Le concept d’alliance et les facteurs communs
Depuis lors, la pierre angulaire devient la relation, envisagée dans sa dimension thérapeutique. Cette relation thérapeutique étant interpersonnelle, la coopération et la co-création sont de mise. Le changement est transactionnel. Le « feu-transfert » ne fait que peu d’émules aujourd’hui alors que le confort du moi est recherché. Le « psy nouveau » se doit d’être empathique, bienveillant, contenant.
Parallèlement, la psychothérapie intègre diverses approches. Les études sur l’efficacité des psychothérapies mettent en évidence ce facteur commun : l’importance de la relation du patient avec le thérapeute, quelle que soit la théorie. On met en avant l’alliance thérapeutique. Même certains psychanalystes y adhèrent : Zetzel-Rosenberg, psychanalyste américaine, s’est elle aussi laissée allée à l’intégratif en décomposant le concept d’alliance thérapeutique en 3 éléments : le lien affectif (éléments du transfert), les objectifs thérapeutiques à atteindre (cognitif) et les tâches à effectuer (comportemental).
L’alliance thérapeutique devient donc le concept central de la thérapie. De fait, des rémissions de symptômes et de leur intensité sont corrélées à la qualité de l’alliance sans pour autant que les explications causales des troubles aient émergées.
Intégratif, on le devient
De nombreux thérapeutes sont intégratifs, éclectiques et/ou multi référentiels, selon les différentes appellations. On pourrait d’ailleurs présenter la psychologie intégrative d’une autre manière que telle que décrite dans cet article. Par définition, cela semble logique ! On ne peut que s’en réjouir car un sujet ne se limite pas au modèle à travers lequel un praticien le regarde. C’est l’état du patient qui détermine la stratégie thérapeutique. Dans cette approche, on considère que le patient est expert de son problème, le praticien et le patient travaillent ensemble pour la solution.
Quoi qu’il en soit, la capacité à entendre le patient avec différentes références théoriques nécessite une base à la fois solide et ouverte.
Et si tout se vaut, en quoi « intégratif » serait plus efficace ?
Les facteurs communs d’une thérapie relèvent de la personnalité du patient, de celle du thérapeute et de la relation instaurée entre eux. Les facteurs spécifiques liés aux approches théoriques semblent secondaires.
Alors pourquoi intégratif ? Parce qu’il s’agit d’une ouverture incontournable. Elle permet la créativité au quotidien, elle s’adapte aux besoins spécifiques de chacun, et c’est finalement un état d’esprit qui convient…ou pas.
Devenir thérapeute intégratif consiste à « prendre le temps, avoir la patience le courage et l’humilité d’entrer progressivement dans cet univers (des psychothérapies) en l’explorant dans toutes ses dimensions, afin d’en découvrir les arcanes et d’en utiliser de manière créative le plus grand nombre de possibilités (…). Une deuxième attitude, malheureusement peut-être encore la plus fréquente, consiste, face à la diversité et à la complexité, à éviter la perplexité qu’elles engendrent, en se réfugiant prématurément derrière une approche unique et « intégriste » (par opposition à intégrative), en jugeant de façon radicale les autres comme erronées, fallacieuses ou inférieures. Cette attitude se renforce de la méconnaissance des autres écoles, alimentée par des stéréotypes malheureusement trop répandus » ( O Chambon M Marie-Cardine « les bases de la psychothérapie » Chez Dunod 2003)
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Certaines approches qui semblent incompatibles (Par exemple : cognitive comportementale et psychanalytique) peuvent dans la pratique coexister.
La 3ème vague des TCC est intégrative, de nouveaux courants voient le jour : thérapie basée sur la pleine conscience, thérapie des schémas de Young, EMDR, thérapie ACT… Les résultats scientifiquement validés sont encore restreints. Le pas de la science (validation scientifique) est plus lent que celui de la pratique clinique (utilisation des techniques).
A la marge de l’université fleurissent une multitude d’approches généralement boudées par les universitaires pour leur manque de rigueur scientifique : hypnose, approches psycho énergétiques, élixirs floraux…Celles-ci sont pourtant largement utilisées par les praticiens qui en observent l’utilité et l’efficacité. Effet thérapie ou effet thérapeute ?
Chaque praticien entre en relation avec son savoir être et son savoir faire. Il utilise les méthodes auxquelles il a été formé et ce que le patient/client amène, qu’il combinera grâce à sa créativité. Car le psychothérapeute intégratif est créatif. Il n’est pas accroché à un modèle théorique.
Les limites et le miroir aux alouettes
Intégratif, ça n’est pas du bricolage de 2 ou 3 petites techniques qu’on met dans sa besace pour aller sauver le monde. De plus en plus de techniques en tout genre promettent des changements rapides et extraordinaires. Avec des propositions de formation de « thérapeute » en quelques WE ou stages courts (« Aider les autres, faites en votre métier ! » annonce fièrement un de ces nombreux mails sur le sujet). Tout cela fleurit sur la toile, ou dans les salons qui promettent monts et merveilles en un temps record et sans effort. Zapping et Marketing nous mènent en bateau… !
Intégratif ne signifie pas « grand n’importe quoi ».
Pour se réclamer de la psychothérapie intégrative, il me semble nécessaire d’avoir d’abord étudié la psychologie « académique », ou au moins de connaître l’humain suffisamment bien par le biais d’études universitaires ou diplômes d’état (santé et/ou psychologie/sciences sociales). Sur ce socle solide et structuré, peuvent s’intégrer des approches et outils d’horizons différents rencontrés sur le chemin du thérapeute qui, il faut bien le reconnaître, n’en finit jamais de se former.
Selon Bruce Wampold, professeur de psychiatrie à l’université du Wisconsin, aux États-Unis, le bon thérapeute doit : être doué pour les relations humaines, savoir accueillir l’autre, lui faire entendre qu’il peut être compris, lui redonner de l’espoir sans nier ses difficultés, être capable d’analyser ses propres réactions et émotions, et être assez ouvert pour passer sa vie à se former. Car pour devenir thérapeute aujourd’hui, il faut être capable de suffisamment de constance et de détermination pour se lancer dans de longues études – et même, pour dire vrai, des études sans fin. Intégratif, forcément on le devient.