Le soin par les plantes jouit d’une belle image, et personne ne nie son intérêt. À la fois naturel et d’une efficacité reconnue, il pourrait être la voie idéale d’une thérapie consensuelle. Mais nous en sommes bien loin ! Avec d’un côté la science médicale qui veut en faire des médicaments, et de l’autre un commerce qui vend beaucoup d’illusion, la voie d’une vraie médecine naturelle et globale autour d’une phytothérapie de qualité est bien étroite !
La science ne peut nier l’activité thérapeutique des plantes, puisque nombreux de ses médicaments sont dérivés de principes actifs végétaux. Dans sa vision obsessionnellement biochimique de la pharmacologie, elle a simplement réduit les propriétés des plantes à celles de molécules qu’elle a isolées et étudiées. Avec une suspicion sur les extraits totaux : « potentiellement dangereux, puisqu’on ne sait pas ce qu’il y a dedans ! ». Pour la médecine moderne, la phytothérapie traditionnelle reste une source intéressante pour trouver des actifs, mais sa vraie place est dans un musée des médecines passées.
Au fur et à mesure que la médecine se désintéressait des plantes, et que les herboristes disparaissaient après la suppression de leur diplôme, la phytothérapie est progressivement devenue un outil de thérapie alternative, utilisé et enseigné par diverses approches de la mouvance naturopathique. Beaucoup de choses intéressantes ont été faites, mais les initiatives individuelles des uns et des autres ont créé une dispersion des indications et des modes de préparation. La perte de la filiation traditionnelle a entrainé la perte de la cohérence donnée par la tradition. Il ne s’agit pas de jeter la pierre à ceux ce qu’ils font de leur mieux avec ce qu’ils ont, mais il faut bien reconnaître que cette situation a conduit à l’émergence de nombreux « bricolages phytothérapeutiques ». Parmi les utilisateurs des plantes médicinales, il y a certes de vrais professionnels, mais aussi des amateurs. Avec, trop souvent, l’idée simpliste que « c’est naturel, et donc pas dangereux » !
Il existe aujourd’hui une multitude de produits à base de plantes, sous des formes très diverses et avec des niveaux de qualité qui font le grand écart entre le pire et le meilleur. Pour mieux s’y retrouver, voir l’article à ce sujet sur ce blog.
La qualité des produits est essentielle pour optimiser la phytothérapie. L’utilisation qui en est faite est l’autre versant d’une approche optimale. Là aussi, on retrouve la diversité et la dispersion, avec trois sources de connaissances :
1. La connaissance scientifique des principes actifs naturels (pharmacognosie) utilise pour les plantes les mêmes principes que pour les médicaments. Il s’agit donc de recouper les informations sur les molécules potentiellement actives, les propriétés connues de ces molécules, et les divers essais cliniques réalisés à partir d’extraits, si possible standardisés en principes actifs. Cette connaissance est précieuse, car c’est la plus objective. Elle se heurte cependant à deux limites. La première est liée aux études, souvent manquantes pour valider ou invalider une action. Et lorsque des travaux existent, ils ne donnent qu’une information dont la valeur réelle se limite au contexte de l’expérimentation : qualité de l’extrait, population choisie, effets thérapeutiques étudiés. La seconde est liée au modèle actuel des études, qui limite l’activité phytothérapeutique à l’action pharmacologique objectivable de ses principes actifs, ce qui est une hypothèse restrictive.
2. La tradition est en partie reconnue par la science, mais trop souvent de manière anecdotique. L’origine de la connaissance traditionnelle, dans toutes les cultures, reste un mystère. Elle semble souvent remonter à la nuit des temps, et s’explique mal par la démarche expérimentale par essai/erreur souvent considérée comme la seule voie possible. Il y a d’autres hypothèses qu’il serait trop long d’expliquer ici. Il y a surtout une vérification fréquente de la valeur de cette connaissance, par l’expérience des praticiens, et par la science lorsqu’elle se donne la peine de chercher la validation dans des conditions appropriées (un cadre d’expérience trop restrictif face à une globalité d’action conduit souvent à une invalidation abusive). L’herboristerie est la face visible la plus récente de cette tradition, plus ou moins dispersées par les apports spécifiques issus des expériences des herboristes et des thérapeutes. Le fond de la tradition est sans doute à rechercher plus loin dans le temps, dans des ouvrages anciens, et peut-être dans quelques manuscrits poussiéreux dormant dans les bibliothèques des monastères…
3. L’expérience individuelle, inclut les essais sur soi-même, le soin des autres, et les différents tests vibratoires qui peuvent être effectués. Cette connaissance expérimentale directe ne peut être niée, mais son résultat dépend toujours d’un ensemble polyfactoriel complexe, dans lequel il est difficile d’isoler la part réelle de la plante. C’est pourquoi les expériences des uns et des autres diffèrent, et ce qui expérimenté par l’un ne peut être généralisé à tous. La diffusion de connaissances à partir d’expériences individuelles (livres, formations) contribue à la dispersion des idées et au grand flou qui règne désormais sur la phytothérapie.
Pour un phytothérapeute, l’expérience personnelle reste une base solide et nécessaire, d’autant plus rigoureuse qu’elle intègre les connaissances de la science médicale (sans pour autant s’y limiter), et qu’elle s’ancre dans une tradition. C’est finalement la rencontre des trois sources de connaissance qui permet le meilleur usage des plantes.
Une formation idéale à la phytothérapie traditionnelle devrait hiérarchiser ce qui est commun, c’est-à-dire le fond de la tradition et les bases validées scientifiquement, et ce qui est de l’ordre d’expériences de certains praticiens, ou qui est répété sans jamais avoir été vraiment vérifié…
Pour comprendre aujourd’hui l’ensemble des activités thérapeutiques observées avec les produits de santé naturels et les différents soins non conventionnels, il faut admettre trois modes d’action. Un mode curatif qui modifie directement le processus biologique et peut corriger rapidement un symptôme. C’est l’allopathie telle que la pratique la médecine conventionnelle, et un grand nombre d’approches alternatives, de manière plus douce. Un mode nutritif qui vient optimiser de manière accélérée ce que l’organisme peut atteindre par son mode de vie (alimentation, respiration, exposition à la lumière, activité physique, sommeil…). Un mode informatif qui apporte un nouveau potentiel et une évolution, capable de corriger un processus déviant.
Ces trois modes d’action sont décrits en détail dans le livre Santé Vivante
1. Le mode curatif, validé par la présence de principes actifs, permet une action rapide sur de nombreux symptômes. C’est l’action la plus connue et la plus utilisée.
2. Le mode nutritif apporte des nutriments déficients sur certains terrains biologiques. C’est le cas des plantes reminéralisantes (prêle, ortie, bambou…), antioxydantes (godgi, myrtille, argousier..). On retrouve, à un niveau plus ou moins important, une partie nutritive dans la plupart des plantes médicinales.
Ce mode informatif n’est pas reconnu par la science médicale. Il ne pourra pas l’être tant que celle-ci campera sur son dogme qui ne voit la vie que sous l’angle biochimique. La grande subtilité de ce type d’action ne peut pas être évaluée objectivement par les études classiques qui recherchent une causalité linéaire. Elle est, en revanche, une porte ouverte à bien des affirmations intuitives, dont certaines, fantaisistes, ne favorisent pas sa reconnaissance !
Rétablir une certaine vérité en de domaine demande avant tout de ne pas tout mélanger. Pour cela, laissons à la médecine les médicaments issus de la purification de principes actifs, et au new age les propriétés qui ne reposent que sur la croyance. Ainsi, nous pouvons considérer le véritable potentiel des préparations de qualité pour des utilisateurs avisés.
1. Soigner de nombreux problèmes quotidiens. Il y a en Europe une tradition herboriste qui a vérifié depuis des siècles cet usage des plantes. Il appartient à chacun d’apprendre ou de se faire conseiller, pour savoir quelle plante lui convient dans telle situation, de manière à se constituer une pharmacie végétale que l’on peut avoir à porter de main.
2. Accompagner un parcours thérapeutique de fond lors d’une pathologie chronique. Cette approche plus spécialisée et plus subtile nécessite le suivi par un praticien compétent. Les plantes sont dans ce cas davantage utilisées pour leur résonance avec la globalité de la personne (et ses diverses faiblesses), que pour des propriétés générales applicables à tous. Cet usage de la phytothérapie nous relie à notre médecine traditionnelle qui reposait essentiellement sur les plantes, et qui soignait des êtres plutôt que des maladies.
3. Utiliser régulièrement une plante alliée. Comme l’animal totem dans la tradition amérindienne, d’un point de vue plus subtil, on pourrait réfléchir à l’existence, pour chacun d’entre nous, d’une plante particulière qui résonne avec notre nature. Une plante particulièrement apte à nous aider, symboliquement, et par ses vertus spécifiques.
Les applications citées ci-dessus nous ouvrent trois portes complémentaires vers une phytothérapie optimale :
1. Connaître les plantes de base pour se soigner au quotidien, apprendre à les cueillir ou les cultiver, et à faire ses préparations, savoir les utiliser pour soigner les maux courants ou les faiblesses chroniques de terrain.
2. Consulter un phytothérapeute compétent et entreprendre un vrai programme global de soin dans lequel la plante exprimera son plein potentiel.
3. Connaître sa plante alliée, capable de nous accompagner sur notre chemin évolutif en cor
Un excellent résumé, merci d’avoir capturé cela d’une manière si claire.
En tant que naturopathe travaillant énormément avec les plantes, un aspect qui me fait aussi beaucoup réfléchir est l’aspect interaction plantes-médicaments. La prise des deux en parallèle est un contexte complètement nouveau (voir mon résumé ici : …).
En pratique, les interactions arrivent relativement rarement, mais lorsqu’elles surviennent, elles peuvent être problématiques. Nous devons bâtir une base de savoir clinique. La science n’étudie que l’effet des plantes sur le CYP450 (trop générique), ou étudie une combinaison entre une plante et un médicament (trop spécifique, des milliers de combinaisons existent).
Je pense sincèrement que nous pourrions arriver à construire ce savoir grâce à une collaboration entre le corps naturopathique et le corps médical. J’espère qu’une telle collaboration s’établira à grande échelle.