Il est excessif et très provocateur d’affirmer aujourd’hui que l’aliment central de notre tradition nous empoisonne, mais il est tout aussi dogmatique de prétendre que l’intolérance au gluten se résume à l’allergie et à la maladie coeliaque reconnues par la science médicale.
Les céréales, base alimentaire de l’humanité sédentarisée
L’homme du paléolithique était un chasseur cueilleur qui consommait, comme les animaux, ce que lui fournissait la nature. Lors du passage au néolithique, il y a environ 12.000 ans, le mode de vie a été bouleversé avec le développement de la sédentarisation, et, avec elle, de l’agriculture et de l’élevage. La nourriture a changé. Elle n’est plus seulement ce que fournit directement la nature, mais ce que les hommes produisent, en la domestiquant et en la modifiant.
Les céréales sont devenues une base alimentaire de la plupart des civilisations : riz en Extrême-Orient, maïs en Amérique, mil en Afrique, et blé au Proche Orient, qui va gagner l’Europe. Ce blé, qui au départ était proche de l’actuel engrain(petit épeautre),a été progressivement transformé par croisement avec des égilopes pour donner le blé dur(pâtes alimentaires et semoule), puis le blé tendre ou froment, dont la farine est facilement panifiable et a permis tous les produits de boulangerie et d’industrie agroalimentaire que l’on trouve aujourd’hui. Orge, seigleet grand épeautresont aussi issus de sélections par croisement.
Des modifications du gluten qui compliquent la digestion
Entre le petit épeautre et le froment, il y a eu multiplication par 4 du nombre de chromosomes, accroissement de la quantité de gluten, et surtout, modification de la nature de ce gluten. Ces blés issus de la sélection par croisements sont en quelque sorte des organismes génétiquement modifiés, avec des méthodes plus douces et plus respectueuses du vivant que les OGM actuels.
Cependant, le gluten du froment et du blé dur est devenu indigeste par le système enzymatique humain, qui ne peut pas le dégrader complètement en acides aminés. Les résidus de cette digestion incomplète sont le point de départ des phénomènes d’intolérance.
Confusion autour de trois niveaux d’intolérance
Il y a trois phénomènes différents pouvant conduire à l’intolérance aux céréales. L’allergie, rare, et la maladie cœliaque, plus fréquente, sont bien connues de la médecine, car leur mécanisme est clairement élucidé. Elles restent cependant limitées, puisque la maladie cœliaque touche moins de 1% de la population.
Le troisième mécanisme oppose actuellement la médecine académique, qui l’ignore ou le nie, aux approches nouvelles de la nutrition, qui en font un phénomène majeur, concernant à des degrés divers une part importante de la population. Il s’agit d’une mauvaise tolérance aux résidus de digestion du gluten, qui peuvent agir comme des perturbateurs biologiques et/ou être reconnues comme des substances étrangères activant une réponse immunitaire et inflammatoire.
Dans tous les cas, il y a altération de la paroi intestinale (atrophie) avec accroissement de sa perméabilité, laissant entrer dans l’organisme des substances dont le passage devrait, en principe, être stoppé par un effet barrière.
Peptides issus gluten et perturbations biologiques
C’est Dohan dès 1966 qui faisait le lien entre la schizophrénie et la consommation de gluten. Plus tard, le lien a été élargi aux troubles neuro-fonctionnels de l’enfant, notamment l’autisme. Il ne s’agit pas d’une causalité directe linéaire, c’est pourquoi la science médicale considère ce lien comme non démontré. Il a cependant été observé que la consommation de gluten accroît le risque.
Plusieurs hypothèses ont été émises sur la base des travaux effectués sur le sujet. Il semble que des peptides issus de la dégradation incomplète du gluten (que l’on a qualifié de glutéomorphiniques), lorsqu’ils atteignent le cerveau, interfèrent dans la messagerie biochimique cérébrale, et favorisent l’installation de diverses perturbations comportementales. La même chose est décrite avec des résidus de la caséine des laits animaux (dérivés caséomorphiniques).
Activation immunologique et inflammation
Du fait de sa digestion incomplète, les résidus de gluten gardent une information d’identité de la céréale, et peuvent être reconnus comme des corps étrangers, dès lors qu’ils franchissent le seuil du milieu intérieur et rencontrent le système immunitaire. Cette rencontre produit des IgG révélées par certains bilans biologiques, et plus globalement une activation des cellules de l’immunité qui conduit à un processus inflammatoire.
C’est pour la suite que le flou des connaissances actuelles nourrit diverses spéculations. Il semble que cette inflammation altère la barrière intestinale qui devient très perméable et laisse passer diverses substances aux effets néfastes sur l’organisme, dont, en plus grand nombre, ces résidus de maldigestion qui accroissent le phénomène !
Ce mécanisme peut favoriser diverses pathologies chroniques comme les maladies auto-immunes. Ce lien a été établi par Jean Seignalet dont l’ouvrage, « Alimentation la troisième médecine », a contribué à faire connaître l’influence de la consommation des céréales modifiées sur la santé de certaines personnes.
Le blé est-il un aliment sain ou un poison ?
En fait, ni l’un ni l’autre ! En aucun cas il n’est un poison provoquant un effet toxique. Pour certaines personnes, il est à l’origine de phénomènes d’intolérances qui ont des effets délétères sur la santé digestive et globale. Le côté néfaste est évident et reconnu lors de l’allergie et de la maladie cœliaque. Il est moins évident et contesté dans les autres cas. Et c’est là que se situe aujourd’hui la grande incertitude. Qui est concerné ? Comment déterminer le risque ?
La maladie cœliaque est diagnostiquée de manière claire par la présence d’anticorps et si besoin, par biopsie intestinale. Pour les autres intolérances, divers tests biologiques et énergétiques sont proposés, mais ils sont à ce jour mal évalués, et n’ont pas établi de corrélations entre eux. Dans ce domaine, des propos extrémistes sont parfois tenus, en préconisant l’éviction totale des céréales glutineuses sur un simple test, ou plus radicalement pour tous !
D’un côté, la science médicale limite le problème à ce qu’elle reconnaît, l’allergie et la maladie cœliaque, et n’hésite pas à affirmer une totale inoffensivité dans les autres cas. De l’autre, des propos alarmistes qui diabolisent un aliment omniprésent dans nos habitudes. Entre les deux : une possible intolérance qui échappe aux critères médicaux actuels, qui ne concerne pas tout le monde, et qui ne peut être affirmée par aucun test consensuel ! Comment s’y retrouver ?
L‘alimentation paléolithique comme modèle ?
Une thèse se développe actuellement en s’appuyant sur le fait que de nombreuses maladies sont apparues au néolithique, avec la sédentarisation, et des modifications alimentaires inadaptées au potentiel digestif humain. Une alimentation santé optimale devrait se rapprocher de celle du paléolithique, donnant une moindre importance aux céréales transformées et aux produits laitiers.
L’obstacle majeur auquel elle se confronte est la remise en cause d’un modèle agroalimentaire qui ne peut être revu brutalement, au risque d’une crise économique sans précédent ! C’est donc individuellement que les changements peuvent s’effectuer, amorçant ainsi une évolution qui prend le temps de son adaptation.
Que faire concrètement ?
La vraie question est de savoir pour qui l’éviction du gluten apporte un bénéfice suffisant justifiant l’effort important de l’adaptation alimentaire que cela demande. L’éviction systématique décrétée comme un facteur de santé pour tous fait sans doute des bénéficiaires, mais contribue à répandre le doute, la peur et la culpabilité, qui ne sont jamais bonnes conseillères ! D’un point de vue pragmatique et réaliste dans le monde dans lequel nous vivons, on peut envisager trois situations :
– En cas de signes digestifs importants, de difficulté à prendre du poids ou de modification spectaculaire lors d’arrêts du gluten, il est important de faire le diagnostic de maladie cœliaque, afin d’être fixé et d’entreprendre si nécessaire, le régime strict sans gluten qui est alors préconisé.
– En l’absence de maladie chronique, il est intéressant de tenter l’expérience d’une éviction totale du blé, de l’orge et du seigle pendant trois semaines, puis de les réintroduire. On peut faire la même expérience avec les produits laitiers, ou avec les deux à la fois en les réintroduisant l’un après l’autre, à une semaine d’intervalle. Cela peut être surprenant en terme de mieux-être, ou en perte de poids ! Ensuite, s’il y a eu un bénéfice constaté, se pose le choix de retrouver ce mieux-être expérimenté, ou préférer le maintien de certains plaisirs alimentaires ou d’une vie sociale plus facile. C’est alors un choix de santé et bien-être fondé sur l’expérience individuelle. Mais en l’absence de bénéfice ressenti, pourquoi se priver ?
– Lors de certaines maladies chroniques, neuro-fonctionnelles ou auto-immunes, l’éviction du gluten, souvent associée à celle des produits laitiers de vache, est un choix de stratégie thérapeutique qui doit être consciencieusement pesé, car il est contraignant et expose, en cas d’abandon, à une perte brutale des améliorations obtenues. Car une telle adaptation alimentaire peut avoir des conséquences importantes sur la manifestation de la maladie. Et elle entre avantageusement dans les stratégies globales cohérentes qui conduisent parfois à des améliorations spectaculaires. Des améliorations, voire des guérisons, qui restent mystérieuses pour une médecine qui ne croit pas encore au potentiel de ces stratégies alternatives !
J’habite en campagne et me fournis habituellement en pain bio auprès d’un boulanger local. Ce dernier a interrompu son activité durant 1 mois et ce pour moderniser son four. Je ne voulais pas acheter de pain industriel ou classique et j’ai donc cessé de manger du pain pendant 1 mois.
Résultat : je n’ai plus le coup de barre de la pose méridienne, j’ai l’impression d’avoir l’esprit beaucoup plus clair, j’ai perdu 2 kg (1.80 m; 73 kg), je n’ai plus de saute d’humeur.
Je ne suis pas en train de vous expliquer qu’il faut arrêter le pain, je constate simplement quelques changements dans ma vie qui me semblent liés à cette « diète » et je m’en trouve bien. Je vais donc persister.
Je viens d’avoir 72 ans et vis en Australie. Selon mes docteurs j’ai des tests médicaux d’un homme de 45/50 ans. 10 ans que je ne mange plus (aucune exception) de GLUTEN POISON, n’ai jamais bu de lait, ne mange pas de viande rouge, de charcuterie, de fromages de vaches. Certains me critiqueront et diront « il faut bien mourir de quelque chose » pour se donner une bonne raison de s’empoisonner. OK mais je me sens si bien que je souhaite très sincèrement à ceux qui ont de la volonté de faire comme moi. Je mesure 1m88 et pèse 75 kgs. Mon ventre est bien plat et je n’ai plus de ballonnements et autres problèmes similaires depuis très très longtemps, Ce n’est pas a 20/30/40 ans que l’on paie la note. Mais après la cinquantaine bonjour les dégâts !!!
Pareil que mon père qui a 80 ans et qui pourtant a toujours mangé du fromage, de la charcuterie, de la viande rouge et du pain blanc…. comme quoi, chaque personne est unique.
Article visiblement bien documenté auprès de malades chroniques. Pour ma part, j’ai été diagnostiquée il y a 5 ans par éviction puis reprise du gluten. Amélioration immédiate. Intolérance absolument niée par le gastroentérologue en 2014 puisque 4 ans après. Naturellement plus d’anticorps. Malgré tout » villosités très fines, rectum mélanos, Il m’a harcelé pour me faire dire que j’ai abusé de laxatifs alors que je n’en ai jamais pris de ma vie! Les suites de cette intolérance, que j’ai identifiées il n’y a pas très longtemps, car je n’ai jamais été soulagée par aucun médecin : vertiges, migraines, nausées, fatigue, thyroïdite, puis FIBROMYALGIE pour couronner le tout, je me remets petit à petit mais j’ai beaucoup souffert. Je suis heureuse d’avoir découvert l’engrain récemment. Apparemment je n’ai pas l’effet du gluten de blé qui se manifestait le 4°jour après absorption même en quantité minime ! Cela fait maintenant 6 jours ! j’ai aussi dépensé beaucoup d’argent en compléments alimentaires de toutes sortes pour essayer d’aller mieux, et une chélation chimique de métaux lourds il y a 2 ans, clandestinement parce que non reconnue en France !
Depuis la mise en ligne de cet article fin 2011, les choses évoluent, doucement. Dans les médias grand public et dans les discours de médecine conventionnelle, il y a toujours une frontière marquée entre maladie cœliaque (MC) et tolérance totale. Mais dans les milieux scientifiques ouverts, il n’y a plus aucun doute qu’il y a d’autres formes d’intolérances, avec de grandes variations individuelles, certaines demandant une éviction quasi totale (supportant malgré tout les traces contrairement à la MC, alors que d’autres supportent les prises ponctuelles modérées. C’est à chacun, par expérience, d’évaluer son niveau de tolérance.
Faire le diagnostic MC avant éviction reste malgré tout une bonne stratégie, car cela permet de savoir si l’éviction doit être draconienne ou non, car après quelques mois d’arrêt, les anticorps qui permettent ce diagnostic peuvent disparaître et il est plus difficile d’y voir clair.
Sur les données récentes à propos de l’intolérance non cœliaque et non allergique au gluten :
– Un article bien documenté de Jean-Yves Dionne (Canada)
– La partie consacrée au gluten du site de Jacqueline Lagacé (Canada)
– La partie consacrée au gluten du site de Stélior (Suisse)
– Un article du site Lanutrition.fr (France)
Et tout cela est très bien explique dans le livre de Julien Venesson : Gluten, comment le blé nous intoxique, Thierry Souccar Éditions 2013
Faire le diagnostic MC avant éviction? l’éviction puis reprise je l’ai fait l y a 5 ans sur le conseil d’une médecin nutritionniste avec succès immédiat vis à vis des douleurs intestinales par la modification immédiate de la consistance des selles. Il y a plus de 20 ans que je m’en suis plaint à mon médecin généraliste qui s’est contenté de sourire! Ceci n’est pas arrivé du jour au lendemain: migraines,nausées vertiges,maladies infectieuses tout au long de ma vie, et il y a 30ans thyroïdite avec myxoedème , puis pour couronner le tout ,fibromyalgie diagnostiquée il y a 7 ans .Alors comme j’ai dit au gastroentérologue :je ne vais pas me rendre malade pour avoir des analyses positives! malgré tout, il a quand même constaté villosités très fines et mélanose du rectum (les selles m’arrachaient carrément le rectum) Dans quel état serais-je si j’avais attendu une prise en charge de mon médecin? je me remets de tout cela petit à petit .Merci!
Le pain gris ou complet est indigeste et provoque des ballonnements pour des gens qui ont une digestion difficile.
Cependant il ne faut pas bannir le pain de son assiette, le pain assure une bonne oxygénation du cerveau.
C’est une erreur de s’en priver.
Moi je conseille à tous de manger au moins une baguette par jour c’est-à-dire 250 grammes de pain en privilégiant le pain blanc.
Votre article sur le pain et le blé est très intéressant : sans peindre le diable sur la muraille vous posez les questions de manière à permettre à chacun d’entendre les soucis qui se cachent entre les lignes. Comme épouse de paysan, je vois le souci des producteurs face aux problèmes liés à la digestion d’aliments produits à base de blé. Ils s’inquiètent beaucoup au vu des consignes de leur coopérative de sélectionneurs de céréales : « préférez les semences riches en gluten car l’agroalimentaire suisse achète quantité de gluten bon marché hors de Suisse pour « réussir » leurs produits industriels ». Dans votre article, vous ne parlez pas du tout des additifs directement mélangés aux farines nécessaires pour les grandes boulangeries ou le pain minute. Pour ma part, je recommence à manger du pain avec plaisir depuis qu’il est fait avec de la simple et vraie farine.
Commentaire très intéressant, c’est exactement ce que je fais aussi, avec de la vraie farine du bon levain et je n’ai pas de problèmes mais j’évite les produits laitiers et les choses trop sucrées.