Les différentes approches thérapeutiques en psychologie et les résultats qu’elles permettent d’obtenir apportent, par analogie, un éclairage intéressant sur les stratégies de soins proposées face aux maladies chroniques.
La biologie et psychologie sont intimement liées dans le fonctionnement des organismes, cela est généralement admis. Il y cependant un flou dans cette relation. Un flou qui s’enracine probablement dans l’héritage de Descartes et se nourrit aujourd’hui de l’opposition frontale entre matérialisme et spiritualisme.
– Nous avons retenu du modèle de Descartes le versant rationnel, à l’origine d’un développement important de la connaissance du monde de la matière. Nous avons en revanche souvent oublié la profonde foi de cet homme, qui séparait nettement le monde de Dieu (et de l’esprit) de celui de la matière. En adoptant la raison cartésienne comme fondement de nos sociétés occidentales, peut-être avons nous gardé l’influence de ce dualisme séparateur.
– Les deux conceptions classiques du monde, dans leurs formes extrêmes, sont monistes. Elles ne reconnaissent qu’une réalité, celle du corps ou de l’esprit. L’autre n’est alors qu’une projection dans un monde d’illusion.
✓ Pour les spiritualistes : le corps est la manifestation de l’âme et suit son évolution.
✓ Pour les matérialistes : le psychisme est un phénomène consécutif à un haut niveau d’organisation du cerveau. Ces deux visions, frontalement opposées, imprègnent de manière hétérogène la pensée des élites qui s’expriment, et influencent les croyances collectives de façon contradictoires.
✓ Dans une approche systémique, le corps et l’esprit prennent place dans un ensemble cohérent, indissociable de l’environnement. Ils ont chacun leur importance et ne s’opposent pas. Ils interagissent dans un sens et dans l’autre.
Nous connaissons leurs différences. Nous spéculons beaucoup sur les mécanismes qui les relient, mais nous nous intéressons moins à leurs similitudes. Ce sont pourtant ces points communs qui à partir de l’un, permettent de mieux connaître l’autre. Ainsi, certains acquis bien documentés des thérapies psychiques peuvent éclairer des aspects moins bien maitrisés des soins biologiques face aux maladies chroniques.
CINQ EXEMPLES DE THERAPIES PSYCHIQUES
1. La psychiatrie
Cette approche médicale des troubles psychiques s’appuie sur deux socles. La connaissance des mécanismes neurologiques liés aux états psychiques. L’expérimentation contrôlée de l’amélioration des troubles répertoriés par des méthodes physiques (électriques) ou chimiques (médicaments). Cette connaissance théorique et pragmatique conduit efficacement à corriger les symptômes. Mais du fait que l’on a forcé le résultat désiré, sans respecter les processus naturels, le résultats est souvent obtenu au prix d’effets secondaires pénalisants. Lors de troubles chroniques, le bénéfice obtenu est sous-tendu par le traitement, et ne peut être maintenu que si celui-ci est poursuivi dans la durée.
2. L’EMDR (et méthodes apparentées)
Le stress post-traumatique se produit lorsqu’un choc vécu, non gérable dans l’instant par la construction psychique de la personne, est refoulé en arrière-plan. Il se maintient ensuite sous forme de boucle répétitive, le plus souvent silencieuse. Il se manifeste par des réactivations douloureuses dans certains contextes, un comportement qui cherche l’évitement de ces situations, et la diminution de certains potentiels. La technique EMDR proposée par Francine Shapiro, et toutes les variantes apparues ensuite, ont pour objectif de libérer ou d’atténuer ces conséquences du stress post-traumatique, en désactivant le programme répétitif qui tourne sur lui-même. Les résultats variables observés sont difficiles à évaluer objectivement. L’efficacité est cependant reconnue.
3. La psychanalyse
L’analyse par la « cure de parole » est à ce jour la méthode la plus aboutie pour auto-explorer son inconscient. Elle met en lumière les mécanismes de fonctionnement construits au cours de notre développement, dans nos interactions, face aux difficultés rencontrées. Ces mécanismes ont permis de faire face aux exigences de l’environnement, au prix d’une énergie séquestrée pour les maintenir et de ce fait indisponible pour jouir de la vie. Et cela s’est perpétué dans un fonctionnement automatique. La psychanalyse permet de mieux connaître la construction de l’inconscient, de mettre en lumière les mécanismes qui nous limitent, et ainsi, d’alléger le fardeau. La guérison peut survenir « de surcroît » comme le disait Freud, mais cette approche n’est pas prévue pour cela. Identifier les modalités d’une construction défaillante permet au mieux de démonter ce qui peut l’être, pas de reconstruire un autre modèle. Ce qui peut survenir par ailleurs, ou pas…
4. Les thérapies humanistes
L’approche centrée sur la personne de Carl Rogers ou la psychologie transpersonnelle proposée par Abraham Maslow, Stanislas Groff ou Ken Wilber, visent à redonner à la personne sa valeur profonde. Avec cette valeur retrouvée, elle pourra, dans certains cas, trouver elle-même les ressources conduisant à la solution de son problème. Selon ce point de vue, ne pas être soi-même est considéré comme la cause majeure des dysfonctionnements, et la correction de cette entrave redonne le potentiel d’auto-guérison. Avec une limite évidente : certaines pathologies ne peuvent s’auto-guérir !
5. Les approches de Palo Alto et les TCC
Ces méthodes sont opposées aux autres approches, dans le sens où elles ne centrent pas sur les causes du problème mais sur les moyens de ne plus en souffrir. On peut illustrer cela par le fait qu’il n’est pas nécessaire de savoir pourquoi on est tombé dans un puits pour apprendre à en sortir. Elles utilisent des stratégies de changement, par lesquelles il est possible d’évoluer pour ne plus se « coincer « dans un mécanisme répétitif limitant qui conduit toujours au même résultat. En d’autres termes : elles proposent de s’adapter en acquérant par l’expérience surprenante ou par l’apprentissage un savoir-faire nouveau. Ainsi, elles permettent d’évoluer en créant de nouveaux potentiels, ce que font les êtres vivants depuis leur apparition sur le Terre.
Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) posent volontiers un cadre de contrainte pour obtenir le changement. Elles proposent un apprentissage pour aller le plus directement possible au résultat souhaité. Les thérapies issues de l’école de Palo Alto utilisent diverses stratégies de changement, moins contraignantes, qui s’appuient de nouveaux modes de fonctionnement ou de nouvelles interactions avec l’environnement.
Pour illustrer les similitudes entre psychologie et biologie, voyons les correspondances entre les approches précédentes et le soin médical des maladies chroniques.
1. Traitement symptomatique
Face aux maladies chroniques, le plus souvent, la médecine moderne ignore les causes profondes et agit de manière allopathique, en corrigeant les symptômes par des traitements physiques ou chimiques dont l’efficacité a été évaluée pour le résultat recherché. Ces traitements génèrent souvent des effets secondaires et doivent être pris à long terme, puisque les effets obtenus sont sous-tendes par leur action immédiate.
2. Correction d’une cause dominante effective
Parfois, une cause active sur la maladie est identifiée (malformation, infection, déficience, intolérance…). Dans ce cas, le traitement spécifique de la cause par chirurgie, antibiotique, complémentation adaptée, éviction… permet une guérison dont la manifestation peut être spectaculaire.
3. Correction des causes dans le cadre d’une causalité complexe
Certaines approches médicales non conventionnelles prétendent que la maladie est le résultat d’anomalies de terrain, dont la correction est le chemin de la guérison. Parmi ces facteurs, on trouve l’intoxication aux métaux, la candidose digestive chronique, l’atrophie intestinale et les intolérances alimentaires, les imprégnations toxiques, la borréliose de Lyme chronique, etc… Ces facteurs, qui sont toujours actifs ou non, ont probablement contribué à construire la pathologie actuelle. Cependant, le lien de causalité est contestable, et il est impossible de montrer que la cause supposée que l’on retient sous-tend directement la maladie.
Au-delà de différences évidentes avec la psychanalyse, il y a une similitude dans la recherche de causalité de construction, et dans le résultat : la capacité à soulager de manière écologique pour la personne (en respectant ses processus naturels), avec le plus souvent une insuffisance pour conduire à la guérison.
4. Soutien du terrain pour améliorer le potentiel d’auto-guérison
La naturopathie et certains aspects des médecines traditionnelles orientales ont pour objectif de redonner au corps les conditions de son plein épanouissement. La déviance du mode de vie qui ne permet plus à l’organisme de vivre selon sa vraie nature est alors considérée comme la cause de ses maux. Lui redonner ce dont il a naturellement besoin restaure son potentiel d’auto-guérison. L’effet préventif est évident, l’aide à la guérison aussi. Mais comme pour les thérapies humanistes, la limite est atteinte pour les pathologies qui ne peuvent s’auto-guérir.
5. Opter pour la transformation en utilisant des ressources
L’équivalent des approches issues de Palo Alto et des TCC n’existe pas actuellement en santé biologique, juste à l’état d’hypothèse (comme celle du concept santé vivante).
Soigner en s’appuyant sur les ressources de transformation n’est pas dans notre mode de pensée qui, derrière un problème, cherche une cause avec la conviction que traiter cette cause apportera la solution. Or, dans les maladies chroniques à causalité polyfactorielle, il est impossible d’identifier la ou les causes qui sous-tendent la pathologie. De ce fait, les thérapies se dispersent entre le traitement des symptômes et la correction de causes qui ne sont pas directement actives sur la maladie.
Quand on ne peut traiter la cause, il reste la voie de la transformation. Réveiller les ressources inexploitées en créant les conditions du changement s’est révélé efficace pour certains troubles psychiques chroniques. S’il y a une vraie résonnance entre le psychique et le biologique, ce qui fonctionne pour l’un peut aussi fonctionner pour l’autre.
Adapté au soin du corps, le principe est le suivant : faire confiance à la capacité évolutive du système neurovégétatif et endocrinien (l’inconscient du corps) pour évoluer vers un état différent. Pour favoriser cela : fixer un objectif, mettre en place les conditions du changement, et accompagner étroitement la période de transformation.
Il y a cependant une différence à ne pas négliger entre le psychisme et le corps biologique : le premier est fluide et peut parfois se transformer rapidement, le second est cristallisé avec une grande inertie. Sa transformation nécessite de maintenir fermement un cap de changement dans la durée (plusieurs mois).
Cette voie thérapeutique, d’orientation systémique, est pratiquée (sans être ainsi conceptualisée) par des thérapeutes qui obtiennent des résultats intéressants et durables.
C’est une piste, à développer et à expérimenter…
Le tableau ci-dessous récapitule les analogies proposées :
OBJECTIF ET MÉTHODE | PSYCHO | SANTÉ |
Traiter efficacement les symptômes suivant
des protocoles de soins validés. |
Psychiatrie | Médecine allopathique conventionnelle |
Traiter spécifiquement un facteur causal pour en corriger les conséquences |
EMDR et
méthodes apparentés
|
Médecine allopathique conventionnelle
lorsqu’une cause active est identifiée |
Rechercher les facteurs causaux
qui contribué à la construction d’une
pathologie pour en alléger le poids |
Psychanalyse | Traitements des anomalies de terrain |
Redonner le meilleur potentiel naturel en
respectant les besoins primordiaux
pour soutenir le potentiel d’auto-guérison |
Thérapies humanistes | Naturopathie Médecines traditionnelles |
Créer un cadre de changement en mobilisant
les ressources disponibles vers un objectif,
afin de favoriser le processus de transformation
|
Thérapies de
Palo Alto,
TCC |
Thérapie systémique |
APPROCHE INTEGRATIVE DES PATHOLOGIES CHRONIQUES A CAUSALITE COMPLEXE
Que se soit en santé psychologique ou médicale, une approche intégrative est la capacité à utiliser plusieurs voies thérapeutiques (notamment les 5 exposées précédemment) et de ne pas dissocier la partie psychologique de la partie biologique de la situation.
Les techniques de soins utilisées sont un choix optimisé en fonction du problème, de la personne et du contexte.
1. Se synchroniser à la personne accompagnée,
2. Entendre sa situation et sa demande,
3. Co-construire avec elle la meilleure solution,
4. Appliquer en confiance une compétence thérapeutique dans la mise en œuvre des soins choisis,
5. Évaluer les résultats obtenus.
C’est ce que préconise l’approche ORIA.
Attention, cette comparaison n’a pas valeur de traité scientifique.
Les diverses approches sont vues dans un principe directeur général issu d’observations cliniques personnelles.
L’objectif de cet article est d’illustrer certaines correspondances psychologie/biologie et de s’inspirer des psychothérapies orientées sur l’objectif pour ouvrir la voie à une approche systémique d’accompagnement des maladies chroniques.