Le débat organisé en France fin 2009 sur les nanotechnologies n’a pas vraiment eu lieu. Les opposants qui estiment que ce n’était pas un débat mais une explication d’un fait accompli ont perturbé les séances par un chahut protestataire. Cela n’a pas fait avancer les choses, mais cela a mis en avant un fait bien réel : la fuite en avant vers l’exploitation des nanoparticules est lancée. Quoi que l’on fasse, il semble désormais illusoire de penser arrêter cette dynamique, alors que personne ne sait vers quoi l’on va, si ce n’est vers un monde de moins en moins naturel !
Les promoteurs des nanotechnologies mettent en avant le bond en avant dans le domaine de la santé et l’avènement de solutions qui pourront à terme apporter de l’énergie dans tous les endroits du monde et réduire les inégalités. Pour eux, l’humanité qui a déjà l’expérience de la chimie, de la physique nucléaire et des OGM, a appris à gérer les risques, il n’y a donc pas de craintes à avoir !
Sans entrer dans une peur systématique qui impose le principe de précaution maximum et conduit au refus du progrès, plusieurs points méritent d’être soulignés.
1- Les technologies qui changent la structure de la matière ont des conséquences imprévisibles
La chimie avait déjà plus de 100 ans quand Rachel Carson a publié en 1962
Le printemps Silencieux, révélant les conséquences néfastes des pesticides sur l’environnement. Depuis, les CFC qui ont déjà fait des dégâts sur la couche d’ozone ont été réglementés. Cependant, du fait de la multitude des substances toxiques pour la vie et la diversité de leurs effets, le risque chimique est loin d’être maîtrisé.
Le rôle de l’intoxication chronique dans la dégradation générale de la santé humaine ne fait pas encore l’unanimité. Sa reconnaissance remettrait en cause à la fois le maintien d’une industrie chimique et le confort de vie qu’elle a apporté. Nous sommes allés trop loin pour faire marche arrière.
L’accident de Bhopal en 1984 n’avait pas été prévu comme risque. La manière dont cet accident a été géré et ce qu’il a changé montre l’échec de l’humanité à contrôler sa technologie lorsque celle-ci viole les lois naturelles.
La physique nucléaire semble mieux maîtrisée, ce qui n’a pas empêché Tchernobyl, et l’existence dans plusieurs endroits du monde de bombes atomiques. Ces bombes sont faites pour dissuader, mais qui peut garantir qu’elles ne seront jamais utilisées ?
Les OGM sont trop récents pour que l’on puisse observer les conséquences sur l’environnement et la santé. On observe déjà les conséquences économiques !
Ces précédents montrent que chaque fois qu’une technologie modifie la matière au-delà de toute autorégulation naturelle, les conséquences sont imprévisibles et se révèlent tardivement, lorsqu’il est devenu impossible de revenir en arrière.
2- La technologie n’a jamais réduit les inégalités, au contraire
Lorsqu’une nouvelle technologie apparaît, il y a toujours des idéalistes pour penser qu’elle va profiter à tous et réduire les inégalités. Au final, les nouvelles technologies ont toujours contribué à creuser les inégalités entre les riches qui les possèdent et les pauvres qui doivent sacrifier l’essentiel pour se les payer.
3- Les nanosolutions thérapeutiques renforcent la démarche allopathique et font reculer la santé globale
Les tests pour dépister les cancers à un stade très précoce et les nanovecteurs capables d’aller tuer les cellules cancéreuses sans faire de dégâts autour sont bien évidemment un progrès par rapport aux techniques actuelles. Si les solutions promises arrivent effectivement à maturité, personne ne pourra contester cette avancée.
Le problème est ailleurs. Cette recherche est le triomphe de l’allopathie et de l’homme machine. Maitriser le mal issu de la malchance et le détruire en se croyant plus fort que lui. Est-ce cela la santé ?
Comment être sûr que la maladie vaincue par la lutte externe ne va pas ouvrir la porte à d’autres pathologies ? Cette médecine sophistiquée profitera-t-elle à tous ? Le fait d’avoir des solutions aux maladies n’est-il pas un laisser-passer pour continuer à développer un mode de vie qui les provoque ? Un véritable investissement dans la prévention et le développement des solutions naturelles de soin applicables à tous ne répondrait-il pas de manière plus solidaire et plus durable à la demande de santé de toute l’humanité ?
4- Toute technologie qui accroît les possibilités de contrôle limite les libertés individuelles
La culture occidentale se réjouit d’avoir accru les libertés individuelles par contraste avec les sociétés moyenâgeuses où régnait par la force le pouvoir du privilège. C’est un fait.
En revanche, on oublie que la technologie qui accroît les moyens de surveillance et de contrôle profite à ceux qui la possèdent et réduit la liberté des autres. Les puces RFID sont déjà largement utilisées pour marquer les objets et les êtres vivants. Quel sera l’usage des nanopuces miniaturisées au point d’être invisibles et capables de programmer certains comportements ?
5- Le nanomonde sera-t-il un monde plus heureux ?
L’humanité du XXesiècle, par son élite qui oriente la destinée du monde, a choisi la science matérialiste comme religion et avec elle, la foi démesurée en la capacité du progrès à nous rendre heureux. La technologie est donc la clef du monde meilleur en améliorant sans cesse le confort de vie des hommes considérés comme propriétaires de la planète. Le libéralisme économique est le moteur du progrès et de la recherche en promettant la richesse à ceux qui apportent les meilleures solutions.
Les nanotechnologies sont le pur produit de cette situation.
La philosophie pose une autre question : qu’est-ce qui nous rend heureux ? Si l’humanité se l’était posée, globalement, dans le respect des générations futures, se serait-elle engouffrée dans la voie des nanosciences ?
Mais il est déjà trop tard. Désormais, il faudra faire avec, comme nous faisons déjà avec la chimie, la physique nucléaire et les manipulations génétiques.
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Pour plus d’informations :
dossier complet sur les nanotechnologies
Auteur : Jacques B. Boislève
http://sante-vivante.fr Dr en pharmacie, DES biologie Médicale, DU alimentation santé et micronutrition.
Consultant-formateur en psychologie et santé intégratives
C’est intéressant et encourageant de lire les autres et de constater que nous en arrivons aux mêmes conclusions. De plus, vos compétences scientifiques me permettent de solidifier mes hypothèses souvent intuitives, résultants de réflexions profondes, d’expériences et de formations autodidactes.
Le nanomonde est une ère technologique nouvelle qui s’annonce. Je suis d’accord sur le fait que la technologie de plus en plus évoluée compense chez l’humain son besoin d’évoluer lui-même. Plus heureux ? Différents certes.
Sûrement des humains plus intelligents qui sauront trouver leur bonheur, en leur souhaitant de conserver à travers cette facilité matérielle complexe, leur titre d’Être Humain.
Merci de nous offrir des formations continues, continuez votre excellent travail.