La fibromyalgie est aujourd’hui connue de la plus grande partie du corps médical et on ne peut pas dire qu’elle soit autant niée ou ignorée qu’il y a quelques années. Mais peut-on dire pour autant que les malades soient reconnus ? Entre la reconnaissance d’un syndrome modélisé et celle d’une personne qui vit la douleur et parfois l’enfer dans sa spécificité individuelle, il y a un espace dans lequel se trouve toute l’incompréhension entre les thérapeutes et les sujets fibromyalgiques qu’ils soignent.
1) La maladie est désormais bien connue de la rhumatologie
Jusqu’en 2004, dans le milieu spécialisé de la rhumatologie, on débattait encore sur l’existence réelle de la fibromyalgie. C’est l’imagerie cérébrale qui a mis fin à cette période sombre, en montrant de manière objective et indéniable que lors d’un syndrome fibromyalgique, il se passe effectivement quelque chose d’inhabituel au niveau des circuits cérébraux de la douleur. L’
EULAR, ligue européenne de rhumatologie, a alors officiellement reconnu cette nouvelle pathologie, avant de proposer quelques années plus tard des recommandations pour le traitement.
Depuis, les publications et les symposiums se multiplient, des centres spécialisés de la douleur s’intéressent à la fibromyalgie dans les hôpitaux. Les congrès comme celui qui s’est tenu récemment à Marseille révèlent un grand nombre de connaissances nouvelles, de statistiques, d’études cliniques… dans le but de cerner cette maladie, tout en reconnaissant un véritable échec de l’approche médicale habituelle qui considère la pathologie sous l’angle des spécialités. Une chose est cependant acquise, dans le milieu de la rhumatologie et au-delà, de la médecine qui se tient au courant des dernières évolutions, plus personne ne nie la réalité de douleur et la complexité multifactorielle su syndrome fibromyalgique.
C’est une vraie avancée, tout comme des critères objectifs de diagnostic bien définis et reconnus qui devraient raccourcir une errance de quelques années souvent nécessaire avant qu’un verdict crédible éteigne enfin l’angoisse de l’incertitude. Les sujets fibromyalgique témoignent souvent du grand soulagement qu’a été ce diagnostic. Enfin un nom ! Enfin une reconnaissance ! La fin d’un isolement insupportable !
2) Le diagnostic : une reconnaissance qui libère et enferme à la fois
Cependant, la reconnaissance du syndrome et toute l’agitation intellectuelle qu’il suscite dans le milieu thérapeutique n’est sûrement pas ce dont les personnes concernées ont le plus besoin. C’est un moindre mal qui est aussi un piège. Quand la seule reconnaissance que l’on trouve est celle d’avoir une maladie, le risque est grand de s’identifier à cette maladie. Et s’identifier à une maladie est un véritable obstacle pour en sortir. Il est en effet difficile de se séparer de ce quoi on s’est identifié, surtout après un long chemin de solitude !
La vraie reconnaissance, c’est celle de la souffrance vécue, d’une vie quotidienne menacée par un environnement rempli de dangers invisibles pour les autres, qui sans la moindre mauvaise intention, par simple ignorance, contribuent à créer des situations génératrices de douleur.
La prise de conscience de la réalité de la douleur vécue conduit forcément à changer de comportement, à être plus attentif, à protéger plutôt que créer du danger. Cette reconnaissance, lorsqu’elle est ressentie comme une compassion et non comme un jugement, est probablement la plus précieuse. Hélas, elle manque souvent dans une partie de l’entourage et plus grave, elle manque aussi chez les soignants !
Tant qu’un thérapeute regarde la personne qu’il soigne en essayent d’y retrouver ce qu’il connaît de la maladie, comment peut-il vraiment l’écouter, prendre en compte ce dont il souffre vraiment, entrer un minimum en relation véritable et devenir un véritable accompagnant capable de gagner une vraie confiance. Or cette confiance qui permet une coopération dans la stratégie thérapeutique est une clef majeure de réussite.
3) La vraie reconnaissance
Etre reconnu pour ce que l’on est dans sa singularité est sûrement bien plus important que d’être reconnu comme porteur d’une maladie. Et pour cela, il faut mettre au second plan le modèle théorique de la pathologie.
Cette reconnaissance de soi, forcément, quand on ne l’a pas, on la recherche ! Et tant qu’on la recherche, on se raccroche à la seule chose dans lequel on soit reconnu, c’est-à-dire la maladie, ce modèle dont parle des gens qui ne savent pas vraiment ce que c’est !
Cette reconnaissance véritable est sans doute la meilleure porte pour commencer un vrai chemin de guérison.
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Auteur : Jacques B. Boislève
http://sante-vivante.fr Dr en pharmacie, DES biologie Médicale, DU alimentation santé et micronutrition.
Consultant-formateur en psychologie et santé intégratives