Par JBB, le 6 avril 2009
Paraben (ou parabène), le mot qui fait peur dès qu’on parle de cosmétique ou de compléments alimentaire ! Il est sidérant de constater comment un malentendu un peu confus peut faire couler autant d’encre et dresse un tel épouvantail que la plupart des fabricants retirent cet additif de leurs produits, pour le remplacer par des substituts qui se révèleront peut-être prochainement aussi néfastes, voire plus !
Il est difficile de savoir aujourd’hui comment cela a commencé. Le livre de Rita Stiens : « la vérité sur les cosmétiques » est un élément important à la base de la polémique qui a touché le grand public. La source scientifique est une étude clinique de P. D. Darbre (1) de l’université britannique de Reading. Et puis il y a eu une vague contagieuse de diffusions d’informations notamment via Internet qui a fait des parabens une nouvelle peste dans les milieux de la santé naturelle. Le résultat est souvent de panique chez les fabricants qui ont cherché à retirer au plus vite cet additif encombrant de leurs formules. Une autre conséquence a été l’accélération de l’émergence de la biocosmétique. À défaut de proposer la « vérité sur les parabens », ce qui serait bien prétentieux, j’aimerai rappeler quelques faits avant d’essayer de comprendre comment on est arrivé là.
1) Les parabens : c’est quoi ?
On appelle paraben des composés chimiques qui sont dérivés des esters de l’acide hydroxybenzoïque. Certains dérivés existent à l’état naturel dans certains aliments, notamment les mûres, les fraises, le cassis, la vanille, les carottes, les oignons. On les trouve aussi naturellement dans le corps humain où ils sont un précurseur du précieux Coenzyme Q10. Ils entrent spontanément dans le métabolisme général et sont rapidement absorbés, métabolisés. Les excès sont excrétés.
2) Pourquoi ont-ils été autant introduits dans les cosmétiques et produits alimentaires ?
Leurs excellentes propriétés antiseptiques, empêchant toute contamination, sont connues depuis la première moitié du XXe siècle. Pour cet usage, ils ont été reproduits par synthèse. Pour de telles structures, il n’y a pas de différence de configuration spatiale entre produit naturel et produits de synthèse.
Ils sont massivement utilisés dans les produits alimentaires et médicaux depuis 1950. Ils sont référencés comme additifs avec les codes E214 à E220 (2). De nombreuses études ont montré pour les dérivés les plus utilisés (methyl paraben et propyl paraben) une absence de toxicité, une très bonne tolérance et un faible pouvoir allergisant. Très efficaces, donc utilisés à faible dose, non toxiques, bien métabolisés (ce qui évite l’accumulation) et peu allergisants, ils étaient le conservateur idéal !
3) La source de la polémique
Les parabens, comme de très nombreuses substances alimentaires et environnementales issues de la technologie humaine, ont une activité oestrogénique. Cette activité est négligeable, 100 000 fois plus faible que celle du 17 bêta-oestradiol et bien plus faible que celle des isoflavones de soja. Mais ces notions quantitatives sont rarement prises en compte. Et on sait désormais que certains cancers, notamment celui du sein ou de la prostate sont hormonaux dépendants, c’est-à-dire qu’ils sont favorisés par un excès d’activité hormonale. Toutes les substances activité hormonale ont alors été la cible de toutes les suspicions.
La très faible activité oestrogénique et un peu de bon sens auraient du lever toute inquiétude, mais arrive l’étude de Darbre qui montre un taux plus élevé que la moyenne de parabens dans le tissu mammaire de femmes atteintes d’un cancer du sein. En toute rigueur, cela ne prouve rien, et la publication elle-même ne fait que poser une question.
Arrive ensuite le livre de Stiens, le relais polémiques incontrôlés que le réseau Internet sait très bien faire et un autre facteur qui a mon sens a beaucoup contribué à cela : paraben est un mot facile à retenir, donc qui se répète et se transmet facilement. En aurait-il été de même si l’additif en question avait été le benzoate de sodium (qui lui continue à vivre de beaux jours…)
4) Les leçons de cette affaire
L’affaire des parabens révèlent à quel point la désinformation circule dans les milieux de la santé naturelle, avec une prépondérance de la peur et du besoin de révolte sur le bon sens. Elle révèle aussi le danger d’un comportement exacerbé par la facilité de la communication Internet : relayer massivement des informations non vérifiées ou exprimées de manière incorrecte.
Cela montre aussi que dans le domaine de la santé naturelle, les comportements sont les mêmes que dans la santé allopathique conventionnelle : on croit approcher de la sécurité en maîtrisant la connaissance précise et ponctuelle de tous les ingrédients que l’on consomme. Et on se réfère à des études cliniques qui démontrent un point de détail qui a bien peu de signification dans l’ensemble complexe que constitue la santé d’un individu.
5) Alors dangereux ou pas les parabens ?
Avant toute chose, n’oublions jamais qu’en matière de santé, tout peut être dangereux et qu’il est d’une incroyable naïveté de croire qu’un jour les risques seront maîtrisés.
Le danger est d’autant plus grand que l’on consomme des produits issus de la technologie humaine. Et cessons de s’illusionner sur l’existence de produits 100% naturels ! Dès lors qu’on fait une préparation et qu’on la met dans un flacon ou un tube, il y a forcément un traitement et le plus souvent, il faut des conservateurs, sinon, le produit serait trop instable pour être commercialisé. Le vivant ne se conserve pas en boîte ! Le 100% naturel, c’est le fruit que l‘on cueille dans l’arbre.
Bien sûr, il y a des nuances, et certains produits sont plus naturels que d’autres, avec parfois une différence considérable. L’évolution actuelle vers des produits plus proches de la réalité naturelle est forcément profitable.
Mais pourquoi focaliser sur certaines substances montrées du doigt et dont on retient facilement le nom alors que nous vivons dans un environnement débordant de pollutions chimiques et électromagnétiques ?
Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que les parabens utilisés dans les produits de consommation soient plus dangereux que bien d’autres auxquels on ne prête pas (encore) attention. Ils sont même plutôt sécurisants du fait qu’ils sont utilisés depuis plus de 50 ans et qu’aucun effet néfaste ne leur a été directement attribué.
Ce ne sont pas les parabens qui sont un problème, c’est l’utilisation croissante de produits qui ont été mis en boîte. Nous avons besoin de ces produits technologiques pour notre santé et notre bien être, mais savons nous limiter leur usage à ce qui est vraiment nécessaire et les choisir pour leur qualité ?
Le pire de cette histoire, c’est que l’obligation de retirer les parabens des produits cosmétiques et alimentaires (à moins, pour un fabricant, de se faire un hara-kiri commercial !) conduit à en introduire d’autres, beaucoup moins connus, et donc mieux acceptés, alors que l’on découvrira peut-être, plus tard, qu’ils sont une régression en termes de sécurité sanitaire !
Références
1- P. D. Darbre, A. Aljarrah, W. R. Miller, N. G. Coldham, M. J. Sauer and G. S. Pope : Concentrations of Parabens in Human Breast Tumours – J. Appl. Toxicol. 24, 5–13 (2004)
2- Méthylparabène (E218, E220), Éthylparabène (E214, E215), Propylparabène (E216, E217), Butylparabène
Une question : le premier des additifs n’est-il pas l’eau avec laquelle nous avalons les gélules et comprimés ?
Alors : eau du robinet ? eau filtrée ? eau minérale, riche en bicarbonates, en calcium, en magnésium ? Tout cela n’a-t-il pas une incidence sur la biodisponibilité de ce que nous prenons ?
Dès lors qu’un produit alimentaire ou cosmétique est fabriqué en quantité, il perd la pureté de sa nature première. Par la forme galénique qu’on lui donne, qui nécessite des opérations mécanisées avec ou sans excipients. Par les conservateurs souvent nécessaires pour éviter une dégradation rapide.
La qualité de l’eau est une donnée particulièrement complexe et difficile à connaître, notamment les informations qu’elle a mémorisées et qu’elle peut retransmettre.
Effectivement, tout compte dans l’activité finale, et il nous faut accepter que l’on ne peut ni tout connaître, ni tout maîtriser. Mais aussi faire confiance à l’expérience, car au final, toutes ces subtilités invisibles n’empêchent pas les produits alimentaires et cosmétiques d’avoir les propriétés que l’on attend d’eux. Et être vigilant sur d’autres propriétés moins profitables liées aux additifs. Et de ce côté-là, plus on s’éloigne du naturel, plus on prend de risques !