La Micronutrition, c’est-à-dire l’utilisation de compléments alimentaires, occupe une place importante dans le monde de la santé naturelle. Cette discipline, qui a beaucoup évolué depuis une dizaine d’années, se focalise de plus en plus sur l’approche orthomoléculaire. En devenant scientifique au sens classique, c’est-à-dire élaborée à partir d’études cliniques, individualisée par des analyses biologiques et cherchant à maîtriser un résultat, ne devient-elle pas allopathique ?
La notion de carence alimentaire est connue depuis longtemps, avec des maladies comme le scorbut ou le béribéri, liées à des insuffisances majeures d’apport en vitamines (respectivement C et B1). Ces maladies étant devenues rarissimes, la médecine a un peu délaissé la notion de carence.

1) La Micronutrition « physiologique » (première génération)

Catherine Kousmine a été précurseur dans la prise de conscience qu’il existe des subcarences liées à l’alimentation moderne. Il ne s’agit plus de déficience générant une pathologie identifiée, mais d’insuffisances qui affaiblissent le métabolisme et contribuent à l’installation de nombreuses maladies polyfactorielles. Du fait de ce mécanisme polyfactoriel complexe et du rôle d’autres facteurs spécifiques à chacun, les manifestations des subcarences sont variables d’une personne à l’autre. Il est alors difficile de relier une maladie à un nutriment manquant. En revanche, un changement d’alimentation ou une complémentation globale, choisie selon les carences inhérentes au mode de vie et les signes fonctionnels généraux observés, conduit souvent à des améliorations de l’état de santé, parfois spectaculaires.

Ces résultats ont fait le succès de la Micronutrition de « première génération », qui apporte des mélanges de micronutriments à dose habituelle, favorisant l’activité physiologique de l’organisme comme le ferait une alimentation idéale. C’est une Micronutrition simple à mettre en œuvre, dépourvue de tout risque et efficace dans son rôle de thérapie de terrain.

De nombreux thérapeutes ayant suivi une formation courte peuvent l’appliquer, en tant que soutien général au bon fonctionnement de l’organisme, en complément de leur pratique spécialisée. Suivant le principe naturopathique dans lequel cette démarche s’inscrit, un organisme dont le potentiel physiologique est accru est plus apte à se guérir lui-même, avec ses propres ressources et suivant ses propres processus.

2) La Micronutrition orthomoléculaire (deuxième génération)

Linus Pauling a mis en évidence des résultats thérapeutiques en administrant de fortes doses de nutriments adaptés à certaines situations pathologiques. C’est dans cette lignée que se place la Micronutrition orthomoléculaire. Elle propose aujourd’hui de prévenir et soigner des situations pathologiques en apportant à dose conséquente (supérieures aux apports habituels définis par les AJR ou AQR – apports quotidiens recommandés), des nutriments purifiés adaptés à la personne et à sa situation pathologique.

La Micronutrition orthomoléculaire est une démarche de grande précision : le bon nutriment à la bonne dose pour la bonne personne. Elle repose sur le fait que les besoins de chacun sont différents, et qu’une connaissance scientifique faite d’expérimentations cliniques et appuyée par des dosages biologiques permet d’optimiser le bénéfice thérapeutique d’une complémentation. Et les résultats sont là ! Les médecins nutritionnistes formés à cette approche appliquent des traitements micronutritionnels très précis qui améliorent certaines pathologies, parfois mieux que les médicaments, sans les effets secondaires de ceux-ci.

3) En quoi une telle démarche tend-elle vers l’allopathie ?

La thérapie allopathique consiste à rechercher un effacement du symptôme par tous les moyens disponibles : chimique, technologique ou naturel. Elle s’oppose à la thérapie de terrain qui accroît le potentiel de l’organisme en laissant s’opérer les processus d’auto-guérison.

La Micronutrition orthomoléculaire donne à l’organisme des nutriments connus de la nature, faisant partie de l’alimentation humaine. Elle est ainsi présentée comme une médecine naturelle de terrain, qui aurait intégré la spécificité des besoins de chacun. De besoins auxquels l’alimentation ne peut répondre et qui nécessitent donc une complémentation. C’est un point de vue.

On peut aussi y voir la prétention de dépasser le fonctionnement physiologique naturel de l’organisme en forçant certaines voies métaboliques par l’apport massif de nutriments ciblés, afin d’obtenir les résultats démontrés par les études cliniques. Les nutriments utilisés dans cette approche ont certes une structure connue de la nature, mais ils sont le plus souvent produits industriellement par synthèse.

Utiliser un protocole validé par expérience pour obtenir un résultat précis sur un problème donné, c’est à dire corriger le symptôme plutôt que soutenir la globalité du terrain, c’est cela qui tend vers l’allopathie et s’oppose à une démarche globale de santé naturelle.

Les effets indésirables observés par les cures d’antioxydants à forte dose (qui font l’objet de polémiques régulières dans la presse) montrent que cette approche mal maîtrisée, n’est pas dénuée de danger.

4) Deux formes de Micronutrition, deux conceptions de la vie et de la santé

Il n’est pas question ici de dénigrer une science médicale qui apporte de vraies solutions, mais de pointer qu’en identifiant la Micronutrition à son approche orthomoléculaire, on en fait une science compliquée, qui change sans cesse au gré des études cliniques. De ce fait, elle ne peut être bien pratiquée que par des médecins spécialistes en nutrithérapie.

Elle se rapproche de l’allopathie parce qu’elle vise à maîtriser un résultat sur des données expérimentales. Pour cela, elle suppose un mécanisme linéaire de cause à effet. Postuler que les besoins de l’organisme en un nutriment particulier sont accrus parce que l’apport abondant de ce nutriment corrige un symptôme est un raccourci contestable. Il y a souvent d’autres manières de se guérir du même symptôme, sans changer d’alimentation. Les voies de guérison, comme la genèse des maladies, sont souvent polyfactorielles et répondent mal à une logique linéaire.

Il serait vraiment dommage que cette évolution mette aux oubliettes l’autre forme de Micronutrition, plus simple, accessible au plus grand nombre, dénuée de danger et qui a fait ses preuves. Une Micronutrition qui ne prétend pas répondre à la cause d’une maladie, mais contribuer à améliorer le terrain biologique et la santé générale.

Une telle Micronutrition, fidèle à l’esprit de Kousmine, s’intègre dans une démarche globale systémique, dans laquelle on ne peut maîtriser le vivant par une causalité linéaire. On préfère respecter au mieux les processus naturels et les soutenir sans les forcer. Face à une situation pathologique donnée, on met en dynamique synergique divers facteurs connus pour être favorables à la guérison.

Cela veut dire cesser de vouloir maîtriser le résultat et faire confiance à la vie.

C’est sans doute là que la différence de ces deux approches de la Micronutrition prend sa source.

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