Intoxication au Mercure

Personne ne peut nier aujourd’hui que le mercure est une substance étrangère à nos organismes, sans aucune utilité et résolument toxique. C’est dans l’appréciation de cette toxicité et de ses conséquences que le grand écart se creuse entre les points de vue. Négliger le problème parce qu’il n’a pas sa place dans une certaine approche de la santé ou le voir à la source de toutes les maladies émergentes du XXe siècle sont les extrêmes habituels dans ce contexte. Qu’en est-il vraiment ?

1) Le précédent d’intoxication au mercure de Minamata 

L’intoxication au mercure s’est révélée à Minamata au milieu du XXe siècle. Les habitants de cette côte japonaise s’intoxiquaient en consommant les poissons contaminés par les rejets d’une usine. Ces intoxications aux symptômes caractéristiques sont entrées dans les annales de la médecine en répondant parfaitement aux critères habituels : une cause identifiée et un problème reproductible.
Il y a cependant une autre forme d’intoxication, qui ne fait aujourd’hui aucun doute pour les observateurs objectifs, mais qui reste négligée par les autorités sanitaires et médicales, parce qu’elle ne répond pas à cette linéarité directe entre la cause et l’effet.

2) Nos organismes ne sont pas prévus pour détoxiquer les métaux

Le mercure est absent d’un environnement naturel. Ce sont les activités humaines qui l’ont sorti du sous-sol et diffusé dans l’atmosphère, dans les sols et dans les océans. C’est ainsi qu’il se transforme et peut pénétrer dans nos organismes. La plupart des substances toxiques ingérées entrent dans une voie métabolique existante et peuvent ainsi être neutralisées, puis éliminées. Celles qui ne trouvent pas une telle voie s’accumulent et provoquent une intoxication chronique. C’est le cas des métaux toxiques dont le mercure.

Les organismes humains sont très mal équipés pour éliminer spontanément les métaux qui leur sont néfastes. Il y a des voies de secours, avec les moyens du bord, qui s’en sortent tant bien que mal chez certaines personnes, mais pas chez d’autres, qui sont de ce fait beaucoup plus sensibles à l’intoxication.  Cette absence de voie de détoxication spécifique des métaux explique pourquoi la stimulation des capacités naturelles est peu efficace chez les personnes intoxiquées. Il faut avoir recours à des thérapies de type allopathique (chélation) pour se soigner efficacement.

3) L’intoxication chronique au mercure

Le mercure a envahi notre environnement et tout le monde aujourd’hui est exposé. Il y a cependant certains contextes qui accroissent la contamination. Les deux principaux sont le portage d’amalgames dentaires et la consommation abondante de certains produits de la mer. Un apport important n’est pas une cause suffisante à l’intoxication, car certains organismes s’en sortent relativement bien en éliminant le métal toxique. Pour cela, ils sacrifient leur sélénium et leurs métallothionines (des protéines soufrées) qui sont inactivées puis éliminées. Dans l’idéal, il faut aussi pouvoir éliminer par les urines ou les cheveux le mercure qui échappe au foie et diffuse par le sang. Le problème est que nous n’avons pas tous cette capacité, et lorsque la balance apport/élimination finit par pencher, le mercure s’accumule dans l’organisme. Il exerce alors deux propriétés néfastes :
– le blocage de protéines fonctionnelles avec des conséquences très diverses, qui font la grande variété des symptômes, selon le terrain de chacun.

– le passage dans le cerveau de formes organiques (methyl-mercure et diethyl-mercure) qui ont une toxicité nerveuse importante.

4) Le problème des amalgames dentaires 

Le combat du regretté Jean-Jacques Mellet (décédé en 2005) est toujours au point mort, puisque les derniers rapports officiels considèrent les amalgames au mercure comme globalement sûrs pour la santé. Et pourtant, ils contiennent une quantité énorme de métal toxique qui diffuse petit à petit dans l’organisme. Ils sont de ce fait la principale source d’intoxication au mercure, s’ajoutant à toutes les autres.
Les amalgames sont toxiques pour le porteur lui-même. S’il s’agit d’une femme enceinte, le passage transplacentaire va contaminer son enfant avant la naissance ! Et s’il se fait incinérer après sa mort, son mercure dentaire sera dispersé dans l’atmosphère. Derrière ce refus collectif des autorités sanitaires et des dentistes en général de voir l’évidence, il y a une conjonction de facteurs tristement humains :
– éviter une augmentation des coûts pour la sécurité sociale,
– nécessité pour les chirurgiens dentistes d’une plus grande habilité pour poser les solutions alternatives,
– fuir les risques d’indemnisation que pourrait générer une reconnaissance,
– une difficulté pour tous les acteurs concernés à reconnaître les erreurs et négligences passées.

Et le problème se complique quand on sait que retirer ses amalgames peut être pire encore, en relargant une quantité importante de toxique non neutralisée. Il est essentiel de se confier à quelqu’un de réellement compétent en la matière, et de se méfier de ceux qui prétendent connaître le sujet en appliquant une méthode personnelle bricolée.

5) Un diagnostic difficile

De nombreux tests sont proposé, de valeurs très inégales :
– Le dosage dans le sang est inutile, ceux pratiqués dans les urines et les cheveux sont ininterprétable et créent surtout de la confusion.
– Le dosage dans la salive ne sert qu’à évaluer le relargage depuis les amalgames.
– Les porphyrines urinaires sont intéressantes, mais insuffisantes pour un diagnostic de certitude et coûteuses, ce qui fait un rapport qualité/prix plutôt faible.
– Les tests par chélation au DMSA et DMPS. Ce sont les plus fiables pour diagnostiquer l’intoxication quantitative. Il sont cependant très peu accessibles en France, la législation ne les reconnaissant pas.

– Le test Melisa, qu’il faut aussi envoyer à l’étranger, n’indique que l’allergie au métal, pas l’intoxication proprement dite.

6) Intoxication et allergie, deux problèmes différents

Nous pouvons être intoxiqués au mercure avec les effets liés à une accumulation du métal dans l’organisme, précédemment décrits. Nous pouvons aussi être allergiques et souffrir de la réaction de notre système immunitaire à la présence du métal, sans qu’il y ait besoin pour cela d’une grande quantité. La confusion la plus fréquente parle d’intoxication à partir d’un simple test Melissa. Or l’intoxication biochimique liée à la quantité et l’allergie liée à la susceptibilité individuelle sont certes souvent liés, mais pas toujours.

Le traitement reste le même, puisqu’en cas d’allergie la seule solution est d’éliminer le métal source de cette allergie, mais la compréhension de la physiopathologie de la situation individuelle est alors faussée. Et une intoxication sans allergie échappera au test Melissa !

7) Les traitements : vraiment pas évidents !

À la difficulté de diagnostic s’ajoute celle du traitement.
– La chélation par DMPS ou DMSA avec contrôle du métal éliminé est sans équivoque la technique la plus efficace, et aussi la seule qui peut garantir un résultat. Elle demande cependant la prise en charge par un spécialiste en milieu médicalisé. Et la réglementation française restrictive sur les chélateurs complique bien les choses ! – La plupart des spécialités naturelles associant des nutriments et des actifs de plantes apportent certes un bénéfice général sur la santé, favorisent la détoxication, mais à la lumière de ce que l’on en connaît actuellement, il est improbable qu’elles puissent détoxiquer un organisme qui a accumulé du mercure par incapacité naturelle à l’éliminer.
– La chlorella promue par Dietrich Klinghardt pose reste un vrai mystère. En l’utilisant à forte dose (jusqu’à 50 comprimés par jour !) et sur de longues périodes, Klinghardt et ceux qui suivent son protocole avec association d’Ail des ours et de coriandre affirment obtenir des résultats intéressants. Il est impossible de savoir ce qui se passe vraiment. En effet, la chlorella contient de la sporopolleine dans sa membrane et beaucoup de chlorophylle qui fixent bien les métaux et la dioxine in vitro et dans le tube digestif, mais qui ne sont pas absorbées, et donc, restent dans l’intestin. Comment ces substances pourraient-elles détoxiquer le cerveau et les cellules ?  Elles ont un effet préventif en piégeant les métaux toxiques avant qu’ils ne passent dans le sang. Elles protègent ainsi, au moins en partie, lors de la dépose d’amalgames et de l’ingestion d’une alimentation contaminée. Mais rien ne permet de dire qu’elles détoxiquent l’organisme.

Xenosulf ou Porphyrazyme, ont le même type d’effet, avec l’avantage d’agir à doses moindres, puisqu’ils sont plus concentrés en actifs.

8) Les déviances économiques

Face aux autorités sanitaires qui nient un problème évident, des informations circulent en évoquant une intoxication généralisée, avec des formulations anxiogènes. Parfois, elle s’accompagne de propositions des tests sans intérêt (comme le dosage dans les cheveux) et solutions naturelles dont le bénéfice attendu est objectivement bien modeste, ce qui n’est pas précisé. Le tout coûte cher, donc rapporte beaucoup. Et il y a un vrai malaise à ce sujet !

9) Que faire face aux intoxications au mercure ?

L’important me semble aujourd’hui de ne pas surestimer l’intoxication eu mercure. Elle n’est pas la cause de toutes les maladies émergentes qui sont des maladies polyfactorielles. Dans de nombreux cas, elles peuvent être traitées en agissant sur les autres facteurs de risque. Donc éviter de transmettre la peur, surtout si l’on n’a pas de solution fiable à proposer !
En revanche, lors de situations pathologiques avérées qui ne trouvent pas de solution, les choses sont différentes. Si le contexte évoque une intoxication et si l’on est en mesure de proposer une solution efficace dont le coût est acceptable pour la personne concernée, alors oui, il est vraiment utile de faire un test de dépistage (par chélation si on le peut ou par Melissa). Ensuite, il faudra entreprendre le traitement jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la négativation du test qui a posé le diagnostic.

Il est évident, et cela a été expérimenté de nombreuses fois, que des maladies émergentes comme la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique, les troubles envahissants du développement de l’enfant (TED = autisme, syndrome d’Asperger notamment), les troubles de déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) peuvent s’améliorer de manière significative en corrigeant l’intoxication aux métaux. Il est donc important que les thérapeutes qui prennent en charge ces maladies aient connaissance de ce facteur causal et sachent détecter les situations à risque, entreprendre le diagnostic et le traitement, en confiant le malade si besoin à un confrère spécialisé.

10) Un vrai problème de santé publique

La grande difficulté actuelle est l’absence de solutions accessibles du fait d’une position sanitaire qui ne reconnaît pas le problème et une législation qui n’autorise pas les vraies solutions. Ouvrir en France des centres spécialisés capables de diagnostiquer et traiter les intoxications au mercure nécessiterait une vraie mobilisation. Le confort de vie d’un grand nombre de personne est en jeu, et aussi, très probablement, une économie de dépenses de santé à moyen terme pour la collectivité.

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NB : L’intoxication aux métaux ne se limite pas au mercure. D’autres sont concernés. Les principaux sont le plomb, le cadmium et l’aluminium. Les problèmes posés ont une spécificité liée au métal concerné, tout en étant du même ordre.
Un dossier complet sur les métaux toxiques est disponible en ligne (consultable, téléchargeable et imprimable).
Il n’a pas été remis à jour depuis 2010. Notamment, le livre de Françoise Cambayrac indiqué comme épuisé a été depuis réédité par l’auteur.

Un commentaire

  1. Suite à une question sur le protocole de Clark :
    Je ne connais pas particulièrement ce protocole et il est difficile de trouver des infos précises sur la composition des produits qui le compose. Ce qui en est accessible pose pour moi deux problèmes :
    – Absence d’évaluation objective. Le fait qu’on se sente mieux après ne veut pas dire qu’il y a eu détoxication efficace des métaux.
    – Je vois mal comment le simple soutien nutritionnel peut provoquer une détoxication pour laquelle le métabolisme n’est pas naturellement équipé. La faculté de la nutrithérapie est de soutenir les facultés naturelles du métabolisme en cas de déficience en certains nutriments. Ou alors, c’est une approche orthomoléculaire, qui force le métabolisme avec de forts doses, mais dans ce cas, il faut une évaluation précise et l’utilisation de fortes doses peut avoir des conséquences insidieuses.
    Cependant, il serait malhonnête de nier à priori que cela puisse avoir une certaine efficacité, tout comme il serait naïf de croire sur parole ce qui en est dit sur la base de témoignages d’expériences qui n’ont pas été analysées dans le détail et validées par une étude objective.

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